C’est arrivé par beau temps, un après-midi d’été, sur un coin de gazon parisien râpé où six à huit inconnus faisaient circuler des verres en plastique et des histoires. Passant, on s’arrête et bée, l’œil humide sous le ciel clair. Des amitiés enfouies refont surface ; on reviendra pour écouter, on voudra jouer aussi ; depuis, ça dure.
Asile fourmillant et gai, sous l’égide d’un nom de rue (promesse d’air et de rencontres) : on y découvre le plaisir d’écouter à peu près n’importe qui parler, y aller de son invention, offrant ses phrases qui, parfois, livrées au seul regard, se seraient débandées mais là, inexplicablement vivantes, touchent.
Comme pas mal de gens ici, on est d’ailleurs : une langue jadis maternelle a glissé dans l’oubli, une autre prend sa place, distance difficile et liberté apprivoisable. Parler, écrire n’allant pas de soi, raconter paraît presque incongru ; on s’y essaie, par bouts chiches, le goût petit à petit en vient.
Et dans le vacarme connu des paroles vendeuses ou machinales ce n’est pas une mince joie de savoir qu’à nouveau on se mêlera, de loin en loin, à ce phalanstère irrévérencieux, déclencheur d’imaginations réglées, pourvoyeur d’échanges fervents, attentifs et de récits libres.