Julie Briand
Les lucioles évaporées
Le périphérique est presque désert, envahi par la nuit entre deux lampadaires et deux séries de phares. Le noir se perce de taches d’argent et de grenat.
La radio diffuse un bon jazz, la banlieue brille, elle est belle, sombre et dorée des loupiotes éparpillées. Les villes sont presque égales dans l’obscurité. Le matin, certaines se réveillent avec le teint gris de grosse déprime, griffé de graffitis tristes, quand d’autres sont pimpantes, sentant bon la rosée vivifiante. Le fossé se creuse jusqu’au soir, puis il s’efface quelques heures.
Je sors Porte de La Muette. J’aime prendre ma dernière course dans les beaux quartiers, attraper des effluves de parfum délicat d’un client élégant avant d’aller dormir.
Un jeune homme attend à la station Trocadéro.
- Je vous emmène où ?
- Place des Fêtes.
Le périphérique est presque désert, envahi par la nuit entre deux lampadaires et deux séries de phares. Le noir se perce de taches d’argent et de grenat.
La radio diffuse un bon jazz, la banlieue brille, elle est belle, sombre et dorée des loupiotes éparpillées. Les villes sont presque égales dans l’obscurité. Le matin, certaines se réveillent avec le teint gris de grosse déprime, griffé de graffitis tristes, quand d’autres sont pimpantes, sentant bon la rosée vivifiante. Le fossé se creuse jusqu’au soir, puis il s’efface quelques heures.
Je sors Porte de La Muette. J’aime prendre ma dernière course dans les beaux quartiers, attraper des effluves de parfum délicat d’un client élégant avant d’aller dormir.
Un jeune homme attend à la station Trocadéro.
- Je vous emmène où ?
- Place des Fêtes.
Il monte dans la voiture qui soudain s’illumine. Il a pourtant l’allure banale d’un adolescent parisien, longue silhouette trop vite poussée de seize ou dix-sept ans. Mais son visage ramène l’enfance. La peau est lisse et claire, sans pilosité ni acné, le nez droit poursuit gracieusement une arcade sourcilière fine. Les yeux oscillent entre le bleu et le gris, presque transparents, la bouche est une petite fleur. L’ensemble est encadré par des cheveux châtains aux boucles domptées, peut-être malgré lui. Ses mains sont blanches et effilées, en écho prolongeant la délicatesse de la tête. Son corps doit être nacré de propreté, couvert d’un léger duvet blond, sentir le savon, par endroit le nourrisson. Il tente tout ce qu’il peut pour paraître négligé et négligeant, pour se fondre dans sa génération, mais rien n’y fait, il dégage une politesse involontaire, une innocence pleine de gravité. Sa voix est calme, légèrement aiguë, dénonçant qu’il s’attarde dans la jeunesse.
Je ne m’explique pas sa présence ici. Je vois pourtant passer beaucoup d’hommes seuls derrière moi. Ceux pressés entre deux rendez-vous professionnels, concentrés sur la réussite de leur prochaine négociation, dont l’univers se borne à celui des Echos. Ceux qui rejoignent leur maîtresse. L’excitation de l’interdit, l’angoisse que ça aille trop loin et d’être découvert se mélangent, avec parfois un peu de remords, ils mentent à leur femme, à leur amante, et à eux-mêmes. Ceux qui ont trop bu pour conduire. Tout est flou et tangue un peu. Les touristes, dont les yeux passent par- dessus la pauvreté quotidienne pour s’attarder sur les statues des ponts et les dorures.
Le jeune homme ne rentre dans aucune catégorie. Son regard est ailleurs aussi mais il effleure le monde, comme s’il lui parlait. Ses traits se tirent au fil des minutes, il raconte une sale histoire à ses copains les anges.
Sa tête tombe en avant et j’entends des pleurs dans la nuit.
Je lui ai dit au revoir, merci beaucoup Doris pour le bon dîner, je vais rentrer, à bientôt, oui j’embrasse maman de ta part. Ma main tremblait mais elle n’a rien vu, sauf sa joie d’avoir vu son neveu. Je suis sorti aussi calmement que possible de l’appartement, de l’ascenseur, de l’immeuble, de la rue. Sur la place je respire une minute mais mon coeur se resserre à nouveau. Il faut partir, vite. Un taxi, et tant pis pour mes économies, j’ai besoin d’être bercé au chaud, en silence. Ils m’attendront jusqu’à une heure du matin d’après le dernier message.
La cuisse me chauffe, à l’endroit où j’ai glissé la bague de fiançailles de ma tante. Celle que je lui ai volé pendant qu’elle rangeait la cuisine, que je vais troquer contre un peu de répit, peut-être.
J’essaie d’oublier. La ville qui défile derrière la fenêtre est un film noir illuminé, on ne distingue plus le type de bâtiments, les différences s’éclipsent, la richesse et la misère se taisent. Qui est éveillé à cette heure ? Combien de vies heureuses ? Combien dans la détresse, le doute, ou le refus de se poser la question ? Combien de mensonges, d’erreurs et de regrets à ne pouvoir dormir ?
Le paysage s’estompe derrière mon geste qui revient en boucle. J’entre dans la chambre sans allumer la lumière, je prends l’anneau dans la table de chevet, je l’arrache de la compagnie des photos et des lettres de son époux parti trop tôt, je rejoins ma tante, je réponds à son sourire qui me dit je suis fière de toi.
Demain elle remuera son tiroir, blêmira de panique et finira par crier en silence au voleur. Elle ne pensera jamais que j’ai pu faire ça, elle accuserait le monde entier d’abord.
Ma vie ne me ressemble plus depuis samedi dernier. La déviation a commencé il y a trois semaines, sans que je la perçoive. Peut-être même avant, dès que j’ai vu Joann. Il est arrivé en milieu d’année dans mon lycée comme un ovni, sans explication. Il n’est pas né dans le seizième arrondissement, il n’a pas de résidence secondaire, il n’a pas le dernier blouson en vogue, il ne dit rien sur la réussite de ses parents, sur la surface de son appartement, il n’a pas de plan de carrière à cent mille euros de salaire. Il parle peu, ses phrases sont courtes, avec un débit rapide et des mots simples. Son regard est à la fois fuyant et perçant. Quand il marche, ses pieds rebondissent avec souplesse, ses épaules ondulent. Il ne sort pas d’un cocon doré, il a déchiré le mien. Son mystère m’a séduit. J’ai cru qu’il avait aussi de l’affection pour moi.
Il m’a emmené dans une boite à Montrouge. Le son d’une techno dure, les flashs lumineux des stroboscopes, des garçons et des filles métissés, aux torses moulés épousant le rythme de la musique, tout me fascinait. Une violence sensuelle vibrait. L’exotisme est rapide à trouver quand on vient de la rue de Passy. Je voulais paraître à l’aise auprès de Joann, il m’a présenté ses amis. Ils ont fait tourner une poudre. Je n’ai pas osé dire non, c’était la première fois. J’ai toussé ça les a fait rire.
Le week-end suivant Joann m’a à nouveau proposé de l’accompagner. La poudre est arrivée, je me suis concentré et elle a irrigué mon corps. La magie de l’endroit s’est décuplée. J’ai dansé comme jamais, j’étais libre, présent et absent. Joann était près de moi, le bonheur n’était pas loin, je ne voulais plus en sortir.
Le troisième samedi même schéma, le plaisir a encore augmenté, Joann à mes côtés. Il a murmuré « je reviens », j’ai continué à boire et planer. Vers quatre heures du matin, la griserie tombait, j’allais partir quand j’ai été attrapé par le col.
- Tu t’es bien amusé hein? Tu l’aimes notre coke... La semaine prochaine c’est toi qui régales et ne t’avise pas de ne pas venir ou de te pointer les mains vides.
Un ami de Joann dont je n’avais pas retenu le prénom, une lame contre mon ventre.
Le lundi, Joann m’a conseillé d’obéir avec un sourire étrange. Il ne m’a plus parlé sauf pour me communiquer le lieu de rendez-vous et le montant, huit cents euros. Je pouvais amener un objet précieux à échanger. Le cauchemar a viré à la réalité et mon début d’amour s’est liquéfié.
Depuis, la nausée ne me quitte que pour faire place à l’effroi. Je me suis recroquevillé dans mon lit avec mon secret pendant deux jours. Mes yeux fermés se fixaient sur la salle de Montrouge, les lumières intermittentes, la poudre et le couteau, les derniers mots de Joann. Mes yeux ouverts comptaient les heures qui me séparaient de l’ultimatum et cherchaient une solution. Ma mère n’a rien compris à ma courte grippe. Je ne pouvais rien lui dire, ni à personne. J’ai été pris dans mon propre piège, j’ai quitté le domaine enchanté dont j’étais le prince depuis ma naissance, pour tomber dans l’océan, sur une barque fragile en train de sombrer.
Je n’avais pas la somme exigée. J’ai pensé à ma tante Doris, vieille fortune seule et faible, elle pouvait me sauver. Je l’ai trahie, je l’ai volée d’un de ses souvenirs les plus précieux. Le dégoût revient.
Je sors la bague de ma poche. Fine, avec une pierre mauve sertie de diamants. Elle brille délicatement, elle respire la tendresse des deux époux, leur élégance. Elle n’a rien à faire dans un taxi vers Place des Fêtes, sa place est dans un dîner aux chandelles au château, avec de lourds rideaux assortis aux nappes et aux fauteuils. Dans quelques minutes, de gros doigts sales l’attraperont, ils l’abîmeront rien qu’en l’approchant. La petite chose s’affolera, elle pleurera comme moi.
Je prends la sortie Porte de Clignancourt et stoppe le véhicule dans une contre-allée. Les larmes coulent encore sur les joues du jeune homme. Je m’assois à l’arrière à côté de lui. Il se replie sur lui-même en cachant ses mains. Une biche effrayée apparaît.
- Ne t’inquiète pas, je ne vais rien te faire. Que se passe-t-il ? Je sens que c’est grave que ce n’est pas une peine de cœur banale. Ton angoisse transpire dans toute la voiture. Que vas-tu faire Place des Fêtes ?
Pas de réponse.
-Ce n’est pas pour toi là-bas, surtout si tu arrives en sanglotant. Tu vas chercher de la drogue ?
Hochement de tête
- Pourquoi ? Pour ta consommation ?
Négation. Il essaie d’articuler.
- Ils m’ont menacé. Si je ne viens pas et ne leur donne pas l’argent, ils vont peut-être me tuer.
C’est un tout jeune garçon soudain, il a diminué avec sa honte et sa peur. Il aimerait que je lui dise « ne t’inquiète pas je m’en occupe », mais non, il n’est pas dans une belle histoire avec un sauveur. Il est avec un conducteur de taxi de cinquante-cinq ans un peu fatigué. Les anges l’ont lâché, ses amies les lucioles se sont évaporées. Il est seul.
- Ecoute petit, je ne peux pas te laisser dans cet état, et tu dois bien réfléchir à ce que tu fais. Je vais rouler jusqu’à ce que tu aies retrouvé ton calme et pris ta décision. Je ne te facture rien.
Le ronronnement doux du moteur reprend. Le périphérique est presque désert, envahi par la nuit entre deux lampadaires, entre deux séries de phares. Le noir se perce de taches d’argent et de grenat.
Je ne m’explique pas sa présence ici. Je vois pourtant passer beaucoup d’hommes seuls derrière moi. Ceux pressés entre deux rendez-vous professionnels, concentrés sur la réussite de leur prochaine négociation, dont l’univers se borne à celui des Echos. Ceux qui rejoignent leur maîtresse. L’excitation de l’interdit, l’angoisse que ça aille trop loin et d’être découvert se mélangent, avec parfois un peu de remords, ils mentent à leur femme, à leur amante, et à eux-mêmes. Ceux qui ont trop bu pour conduire. Tout est flou et tangue un peu. Les touristes, dont les yeux passent par- dessus la pauvreté quotidienne pour s’attarder sur les statues des ponts et les dorures.
Le jeune homme ne rentre dans aucune catégorie. Son regard est ailleurs aussi mais il effleure le monde, comme s’il lui parlait. Ses traits se tirent au fil des minutes, il raconte une sale histoire à ses copains les anges.
Sa tête tombe en avant et j’entends des pleurs dans la nuit.
Je lui ai dit au revoir, merci beaucoup Doris pour le bon dîner, je vais rentrer, à bientôt, oui j’embrasse maman de ta part. Ma main tremblait mais elle n’a rien vu, sauf sa joie d’avoir vu son neveu. Je suis sorti aussi calmement que possible de l’appartement, de l’ascenseur, de l’immeuble, de la rue. Sur la place je respire une minute mais mon coeur se resserre à nouveau. Il faut partir, vite. Un taxi, et tant pis pour mes économies, j’ai besoin d’être bercé au chaud, en silence. Ils m’attendront jusqu’à une heure du matin d’après le dernier message.
La cuisse me chauffe, à l’endroit où j’ai glissé la bague de fiançailles de ma tante. Celle que je lui ai volé pendant qu’elle rangeait la cuisine, que je vais troquer contre un peu de répit, peut-être.
J’essaie d’oublier. La ville qui défile derrière la fenêtre est un film noir illuminé, on ne distingue plus le type de bâtiments, les différences s’éclipsent, la richesse et la misère se taisent. Qui est éveillé à cette heure ? Combien de vies heureuses ? Combien dans la détresse, le doute, ou le refus de se poser la question ? Combien de mensonges, d’erreurs et de regrets à ne pouvoir dormir ?
Le paysage s’estompe derrière mon geste qui revient en boucle. J’entre dans la chambre sans allumer la lumière, je prends l’anneau dans la table de chevet, je l’arrache de la compagnie des photos et des lettres de son époux parti trop tôt, je rejoins ma tante, je réponds à son sourire qui me dit je suis fière de toi.
Demain elle remuera son tiroir, blêmira de panique et finira par crier en silence au voleur. Elle ne pensera jamais que j’ai pu faire ça, elle accuserait le monde entier d’abord.
Ma vie ne me ressemble plus depuis samedi dernier. La déviation a commencé il y a trois semaines, sans que je la perçoive. Peut-être même avant, dès que j’ai vu Joann. Il est arrivé en milieu d’année dans mon lycée comme un ovni, sans explication. Il n’est pas né dans le seizième arrondissement, il n’a pas de résidence secondaire, il n’a pas le dernier blouson en vogue, il ne dit rien sur la réussite de ses parents, sur la surface de son appartement, il n’a pas de plan de carrière à cent mille euros de salaire. Il parle peu, ses phrases sont courtes, avec un débit rapide et des mots simples. Son regard est à la fois fuyant et perçant. Quand il marche, ses pieds rebondissent avec souplesse, ses épaules ondulent. Il ne sort pas d’un cocon doré, il a déchiré le mien. Son mystère m’a séduit. J’ai cru qu’il avait aussi de l’affection pour moi.
Il m’a emmené dans une boite à Montrouge. Le son d’une techno dure, les flashs lumineux des stroboscopes, des garçons et des filles métissés, aux torses moulés épousant le rythme de la musique, tout me fascinait. Une violence sensuelle vibrait. L’exotisme est rapide à trouver quand on vient de la rue de Passy. Je voulais paraître à l’aise auprès de Joann, il m’a présenté ses amis. Ils ont fait tourner une poudre. Je n’ai pas osé dire non, c’était la première fois. J’ai toussé ça les a fait rire.
Le week-end suivant Joann m’a à nouveau proposé de l’accompagner. La poudre est arrivée, je me suis concentré et elle a irrigué mon corps. La magie de l’endroit s’est décuplée. J’ai dansé comme jamais, j’étais libre, présent et absent. Joann était près de moi, le bonheur n’était pas loin, je ne voulais plus en sortir.
Le troisième samedi même schéma, le plaisir a encore augmenté, Joann à mes côtés. Il a murmuré « je reviens », j’ai continué à boire et planer. Vers quatre heures du matin, la griserie tombait, j’allais partir quand j’ai été attrapé par le col.
- Tu t’es bien amusé hein? Tu l’aimes notre coke... La semaine prochaine c’est toi qui régales et ne t’avise pas de ne pas venir ou de te pointer les mains vides.
Un ami de Joann dont je n’avais pas retenu le prénom, une lame contre mon ventre.
Le lundi, Joann m’a conseillé d’obéir avec un sourire étrange. Il ne m’a plus parlé sauf pour me communiquer le lieu de rendez-vous et le montant, huit cents euros. Je pouvais amener un objet précieux à échanger. Le cauchemar a viré à la réalité et mon début d’amour s’est liquéfié.
Depuis, la nausée ne me quitte que pour faire place à l’effroi. Je me suis recroquevillé dans mon lit avec mon secret pendant deux jours. Mes yeux fermés se fixaient sur la salle de Montrouge, les lumières intermittentes, la poudre et le couteau, les derniers mots de Joann. Mes yeux ouverts comptaient les heures qui me séparaient de l’ultimatum et cherchaient une solution. Ma mère n’a rien compris à ma courte grippe. Je ne pouvais rien lui dire, ni à personne. J’ai été pris dans mon propre piège, j’ai quitté le domaine enchanté dont j’étais le prince depuis ma naissance, pour tomber dans l’océan, sur une barque fragile en train de sombrer.
Je n’avais pas la somme exigée. J’ai pensé à ma tante Doris, vieille fortune seule et faible, elle pouvait me sauver. Je l’ai trahie, je l’ai volée d’un de ses souvenirs les plus précieux. Le dégoût revient.
Je sors la bague de ma poche. Fine, avec une pierre mauve sertie de diamants. Elle brille délicatement, elle respire la tendresse des deux époux, leur élégance. Elle n’a rien à faire dans un taxi vers Place des Fêtes, sa place est dans un dîner aux chandelles au château, avec de lourds rideaux assortis aux nappes et aux fauteuils. Dans quelques minutes, de gros doigts sales l’attraperont, ils l’abîmeront rien qu’en l’approchant. La petite chose s’affolera, elle pleurera comme moi.
Je prends la sortie Porte de Clignancourt et stoppe le véhicule dans une contre-allée. Les larmes coulent encore sur les joues du jeune homme. Je m’assois à l’arrière à côté de lui. Il se replie sur lui-même en cachant ses mains. Une biche effrayée apparaît.
- Ne t’inquiète pas, je ne vais rien te faire. Que se passe-t-il ? Je sens que c’est grave que ce n’est pas une peine de cœur banale. Ton angoisse transpire dans toute la voiture. Que vas-tu faire Place des Fêtes ?
Pas de réponse.
-Ce n’est pas pour toi là-bas, surtout si tu arrives en sanglotant. Tu vas chercher de la drogue ?
Hochement de tête
- Pourquoi ? Pour ta consommation ?
Négation. Il essaie d’articuler.
- Ils m’ont menacé. Si je ne viens pas et ne leur donne pas l’argent, ils vont peut-être me tuer.
C’est un tout jeune garçon soudain, il a diminué avec sa honte et sa peur. Il aimerait que je lui dise « ne t’inquiète pas je m’en occupe », mais non, il n’est pas dans une belle histoire avec un sauveur. Il est avec un conducteur de taxi de cinquante-cinq ans un peu fatigué. Les anges l’ont lâché, ses amies les lucioles se sont évaporées. Il est seul.
- Ecoute petit, je ne peux pas te laisser dans cet état, et tu dois bien réfléchir à ce que tu fais. Je vais rouler jusqu’à ce que tu aies retrouvé ton calme et pris ta décision. Je ne te facture rien.
Le ronronnement doux du moteur reprend. Le périphérique est presque désert, envahi par la nuit entre deux lampadaires, entre deux séries de phares. Le noir se perce de taches d’argent et de grenat.