Canards en confinement
Justine Coffin
- Mais y se passe quoi, en ce moment ? On voit plus personne ! J’ai l’impression qu’on est en guerre contre un ennemi invisible…
- M’en parles pas, j’ai les crocs !
- Le bec, en l’occurrence, le corrige le premier canard à tête verte.
- Ouais, si tu veux. Mais, n’empêche qu’ils viennent plus bouffer sur les quais leurs petits sandwichs, et ce quignon de pain un peu beurré qu’ils laissent toujours pour nous !
- Ce qui me manque le plus, ce sont les gamins ! Z’ont toujours un bout de pain au chocolat ou de madeleine qui leur échappe.
Arrive un canard marbré de nuances marrons :
- Vous avez qu’à aller pêcher un peu les mecs. Ça vous ferait pas de mal de revenir un peu à la base !
- Hé femme, va nous chercher à manger au supermarché, ça t’évitera de jacter !
- Va te faire cuire un œuf, répond la demoiselle marbrée avant de s’envoler pour prendre le dixième bain de la journée.
- J’en reviens pas, dit le deuxième canard à tête verte. Elle passe son temps à flemmarder dans le fleuve ! Quelle feignasse !
- M’en parles pas. Tu sais, les gonzesses de nos jours, elles font leurs fiérotes.
- Tu l’as dit !
- Et pis, d’ailleurs, tu sais encore comment on fait toi, pour pêcher… ?
- Bah non…
Le deuxième canard à tête verte s’alanguit sur l’herbe, secouant ses plumes.
- N’empêche que j’ai grave faim !
- Si on allait voir ce qui se passe en haut ?
- Tu veux dire dans la rue ? Avec tout ce monde !
- J’entends personne.
Les deux canards se décident et gravissent le chemin de pierre. Pas âme qui vive ici non plus. C’est tout de même hallucinant.
Ils décident de continuer jusqu’à ce qu’ils croisent quelqu’un qui aurait peut-être sous le coude un bout de pain à lâcher, par amitié, par tendresse.
Dans la rue Nationale, personne. Cette rue pourtant d’ordinaire noire de monde qui court dans tous les sens, cède aujourd’hui au calme plat. Les magasins sont fermés. Seule l’enseigne de la pharmacie clignote un peu plus loin. Juste de nombreuses crottes de chien énormes qui parsèment le trottoir d’ordinaire bien plus propre.
- C’est dégueu par ici ! s’exclame le premier canard. Paraît qu’ils ont pas droit d’aller à plus d’un kilomètre pour sortir leurs clébards.
- Putain, ça existe les sacs à crottes, nom d’un chien !
Tout à coup, ils entendent une voix humaine dans leur dos :
- Confit ! Confit, viens par ici ! Je te ramène à la maison ?!
Les deux canards horrifiés se dispersent à toute pattes.
- Sauves qui peut ! Ils ont les crocs !
- Et, eux, ce sont des vrais !
Juste le temps d’entendre les derniers mots humains qui résonnent dans leur dos :
- Hé oh, partez pas, confits ! Vous êtes plus dispos sur le drive ! J’ai une dérogation !
Et ils regagnent leur bout de quai finalement bien plus agréable.
- Bon, on va plutôt rester ici, qu’est-ce que t’en dis ?
- T’as raison, bordel, qu’ils se contentent de pigeons !
Justine Coffin
- Mais y se passe quoi, en ce moment ? On voit plus personne ! J’ai l’impression qu’on est en guerre contre un ennemi invisible…
- M’en parles pas, j’ai les crocs !
- Le bec, en l’occurrence, le corrige le premier canard à tête verte.
- Ouais, si tu veux. Mais, n’empêche qu’ils viennent plus bouffer sur les quais leurs petits sandwichs, et ce quignon de pain un peu beurré qu’ils laissent toujours pour nous !
- Ce qui me manque le plus, ce sont les gamins ! Z’ont toujours un bout de pain au chocolat ou de madeleine qui leur échappe.
Arrive un canard marbré de nuances marrons :
- Vous avez qu’à aller pêcher un peu les mecs. Ça vous ferait pas de mal de revenir un peu à la base !
- Hé femme, va nous chercher à manger au supermarché, ça t’évitera de jacter !
- Va te faire cuire un œuf, répond la demoiselle marbrée avant de s’envoler pour prendre le dixième bain de la journée.
- J’en reviens pas, dit le deuxième canard à tête verte. Elle passe son temps à flemmarder dans le fleuve ! Quelle feignasse !
- M’en parles pas. Tu sais, les gonzesses de nos jours, elles font leurs fiérotes.
- Tu l’as dit !
- Et pis, d’ailleurs, tu sais encore comment on fait toi, pour pêcher… ?
- Bah non…
Le deuxième canard à tête verte s’alanguit sur l’herbe, secouant ses plumes.
- N’empêche que j’ai grave faim !
- Si on allait voir ce qui se passe en haut ?
- Tu veux dire dans la rue ? Avec tout ce monde !
- J’entends personne.
Les deux canards se décident et gravissent le chemin de pierre. Pas âme qui vive ici non plus. C’est tout de même hallucinant.
Ils décident de continuer jusqu’à ce qu’ils croisent quelqu’un qui aurait peut-être sous le coude un bout de pain à lâcher, par amitié, par tendresse.
Dans la rue Nationale, personne. Cette rue pourtant d’ordinaire noire de monde qui court dans tous les sens, cède aujourd’hui au calme plat. Les magasins sont fermés. Seule l’enseigne de la pharmacie clignote un peu plus loin. Juste de nombreuses crottes de chien énormes qui parsèment le trottoir d’ordinaire bien plus propre.
- C’est dégueu par ici ! s’exclame le premier canard. Paraît qu’ils ont pas droit d’aller à plus d’un kilomètre pour sortir leurs clébards.
- Putain, ça existe les sacs à crottes, nom d’un chien !
Tout à coup, ils entendent une voix humaine dans leur dos :
- Confit ! Confit, viens par ici ! Je te ramène à la maison ?!
Les deux canards horrifiés se dispersent à toute pattes.
- Sauves qui peut ! Ils ont les crocs !
- Et, eux, ce sont des vrais !
Juste le temps d’entendre les derniers mots humains qui résonnent dans leur dos :
- Hé oh, partez pas, confits ! Vous êtes plus dispos sur le drive ! J’ai une dérogation !
Et ils regagnent leur bout de quai finalement bien plus agréable.
- Bon, on va plutôt rester ici, qu’est-ce que t’en dis ?
- T’as raison, bordel, qu’ils se contentent de pigeons !