Eve Roland, Portrait en bleu
Délicat. C'est le qualificatif qui vient immédiatement à l'esprit pour ce joli petit livre que nous propose la toute jeune maison d'édition "L'Ourse brune", qui a ouvert ses portes en août dernier et a fait le choix de publier uniquement des nouvelles. Ce Portrait en bleu d'Eve Roland est d'abord un bel objet, qui tient au creux de la main avec son format menu d'une quarantaine de pages. Papier de qualité, graphisme élégant, couverture aux douces nuances crème et bleues illustrée par l'artiste Louis-Marie Catta.
Délicatesse : voilà également ce qui caractérise l'écriture de cette nouvelle toute en nuances, dont la quatrième de couverture résume ainsi la trame: "Lorsqu'elle trouve la photo d'une inconnue parmi les affaires de sa tante décédée, la narratrice ne sait pas qu'elle entrouve la porte d'un secret bien gardé".
Mais que l'on ne s'attende pas à des révélations tonitruantes, à un enchainement d'aventures rocambolesques. Ce court récit - ou cette longue nouvelle -, est bien loin du texte à suspens, de la nouvelle à chute comportant force péripéties.
Portrait en bleu est au contraire une nouvelle de l'intimité, qui a pour moteur le dévoilement.
La narratrice s'étonne d'hériter de l'appartement d'une vieille tante qui lui a toujours paru assez revêche, et avec qui elle n'a jamais véritablement tissé de lien de proximité. Au fur et à mesure que la narratrice vide l'appartement, des photos d'une jeune femme, des lettres d'amour, un tableau contemporain révèlent le portrait d'une tante bien différente de celle que la narratrice a conservée en mémoire. Cette dernière se replie alors dans une intimité nouvelle avec cette tante inattendue, pour se donner le temps de combler les vides du passé.
Le dispositif textuel de la nouvelle met en abyme ce travail de mise au jour, en livrant par bribes des lettres dont le lecteur ne devine que progressivement la provenance, des informations glanées auprès de proches. Les différentes pièces du puzzle s'emboîtent peu à peu pour former un portrait insoupçonné et lumineux.
Dans le même temps, on sent que la narratrice se distancie de son univers quotidien, des personnes qu'elle fréquente habituellement. Car ce qui fait tout l'intérêt de cette nouvelle, c'est de saisir un moment de vie d'une qualité particulière où la conscience du personnage connait une modification en profondeur. Nouvelle psychologique si l'on peut dire, qui nous livre une quête intime, mais nullement psychologisante : Portrait en bleu ne commente pas les états d'âme de la narratrice, mais nous donne à ressentir, avec pudeur et sans mélo, les infimes mouvements de son intériorité dans cette rencontre avec l'autre.
Un art de la ténuité, qui fait de ce texte une nouvelle véritablement contemporaine.
Eve Roland, Portrait en bleu, Editions L'Ourse brune, août 2020, 39p., 12 euros.
Olivia Guérin
Aix Marseille Univ, CNRS, LPL, Aix-en-Provence, France.
Délicatesse : voilà également ce qui caractérise l'écriture de cette nouvelle toute en nuances, dont la quatrième de couverture résume ainsi la trame: "Lorsqu'elle trouve la photo d'une inconnue parmi les affaires de sa tante décédée, la narratrice ne sait pas qu'elle entrouve la porte d'un secret bien gardé".
Mais que l'on ne s'attende pas à des révélations tonitruantes, à un enchainement d'aventures rocambolesques. Ce court récit - ou cette longue nouvelle -, est bien loin du texte à suspens, de la nouvelle à chute comportant force péripéties.
Portrait en bleu est au contraire une nouvelle de l'intimité, qui a pour moteur le dévoilement.
La narratrice s'étonne d'hériter de l'appartement d'une vieille tante qui lui a toujours paru assez revêche, et avec qui elle n'a jamais véritablement tissé de lien de proximité. Au fur et à mesure que la narratrice vide l'appartement, des photos d'une jeune femme, des lettres d'amour, un tableau contemporain révèlent le portrait d'une tante bien différente de celle que la narratrice a conservée en mémoire. Cette dernière se replie alors dans une intimité nouvelle avec cette tante inattendue, pour se donner le temps de combler les vides du passé.
Le dispositif textuel de la nouvelle met en abyme ce travail de mise au jour, en livrant par bribes des lettres dont le lecteur ne devine que progressivement la provenance, des informations glanées auprès de proches. Les différentes pièces du puzzle s'emboîtent peu à peu pour former un portrait insoupçonné et lumineux.
Dans le même temps, on sent que la narratrice se distancie de son univers quotidien, des personnes qu'elle fréquente habituellement. Car ce qui fait tout l'intérêt de cette nouvelle, c'est de saisir un moment de vie d'une qualité particulière où la conscience du personnage connait une modification en profondeur. Nouvelle psychologique si l'on peut dire, qui nous livre une quête intime, mais nullement psychologisante : Portrait en bleu ne commente pas les états d'âme de la narratrice, mais nous donne à ressentir, avec pudeur et sans mélo, les infimes mouvements de son intériorité dans cette rencontre avec l'autre.
Un art de la ténuité, qui fait de ce texte une nouvelle véritablement contemporaine.
Eve Roland, Portrait en bleu, Editions L'Ourse brune, août 2020, 39p., 12 euros.
Olivia Guérin
Aix Marseille Univ, CNRS, LPL, Aix-en-Provence, France.