Une traversée dans la nouvelle contemporaine avec
Le Chien attaché au poteau électrique
On prétend que le roman est le genre carnivore par excellence, protéiforme et caméléon, capable d’absorber tous les registres, genres et formes littéraires. Il faut lire Le chien attaché au poteau électrique, recueil qui publie les nouvelles d’auteurs de la revue en ligne Nouvelle Donne, pour saisir que la nouvelle a le même talent. Les quinze récits de ce recueil édité par la Chambre d’échos montrent qu’il n’y a pas besoin de beaucoup de pages, ni de temps, pour planter l’essentiel d’un polar de vengeance (Bande d’arrêt d’urgence), d’un récit dystopique (Pluviôse 2812), d’une scène de la vie conjugale pleine d’humour et de désillusion (Le mariage des cousins) ou du récit réaliste et désabusé d’un homme évoquant les points de vue différents de syndicalistes dans les années 70 (Mémoires du charbon et de l’acier). C’est donc un recueil qui ne se refuse rien, aucun genre, aucun thème.
Ce recueil caméléon est aussi accordéon. Montrant l’amplitude temporelle que la nouvelle est capable d’atteindre, les récits vont de l’instant pur à la chronique d’une tranche de vie. Celle de Diego, dans la nouvelle éponyme, poursuivi par les flics, dont le milieu pauvre et déglingué est décrit en toile de fond, le déterminant à la chute finale. Ou celle de l’enfant de Plume d’ange qui regarde impuissante, année après année, sa mère s’enliser dans la dépression. Amplitude illimitée avec l’éternité du conte Fatima qui narre la soif insatiable de l’héroïne.
Mais d’autres choisissent de rapporter un moment plus court, un instant vécu, fort et dense, d’où jaillit la parole d’une intériorité. Comme cette voix qui s’élève, énervée et lucide, lorsque, ayant vu un chien attaché au poteau électrique en train de cuire sous le soleil brûlant, arrête son camion et entreprend de décrire en trente lignes et trois coups d’oeil le trou glauque et la gueule d’abruti du gars propriétaire du dit chien. Ou ce moment connu de tous où l’on cherche comme si notre vie en dépendait à retrouver les mots prononcés lors d’un rêve (Les quatre mots), ou le réveil gueule de bois où l’on essaie de se souvenir ce qu’on a fait depuis le black-out (Putain le casque!). Ou cette soirée plus longue, une soirée moite d’août où une femme promène vaguement sa solitude dans une piscine puis dans la rue en espérant une rencontre.
Un bon nombre de récits abordent le thème de l’amour sensuel. Il n’est pas étonnant que la nouvelle soit si à l’aise dans l’évocation de l’érotisme, par nature bref et dense, rapide et plein. Plénitude vertigineuse pour la narratrice d’Hôtel Bellevue qui dans un instant de clairvoyance amoureuse prédit la suite conjugale et familiale qu’elle vivra avec son amant. Dans Les Lions (hic sunt leones), sous l’influence de leurs étreintes charnelles et du décor post-apocalyptique, les amants s’ensauvagent et semblent s’être métamorphosés en lions : on est à la lisière du fantastique. On y tombe carrément dans L’amour fauve qui relate l’amour entre une femme et un lion.
Fantastique et métamorphose s’entrelacent dans la dernière nouvelle du recueil, drôle et habile, Sortilèges. Le narrateur, sous l’effet des lectures de Joyce et de l’Odyssée, relate à son professeur de thèse le processus de sa transformation d’homme en cochon. On le voit, c’est une belle et riche traversée dans l’univers de la nouvelle contemporaine que nous propose ce recueil.
Géraldine Doutriaux
Le Chien attaché au poteau électrique
Editions Chambre d’échos
16 euros 168 pages
Parution : juin 2020
Nouvelles d’Anne-Elisabeth Desicy Friedland, Corine Sylvia Congiu, Brigitte Niquet, Léo Lamarche, Sophie Germain, Dominique Perrut, Thomas Friedland, Jean-Michel Calvez et Nathalie Barrié.
Le Chien attaché au poteau électrique
On prétend que le roman est le genre carnivore par excellence, protéiforme et caméléon, capable d’absorber tous les registres, genres et formes littéraires. Il faut lire Le chien attaché au poteau électrique, recueil qui publie les nouvelles d’auteurs de la revue en ligne Nouvelle Donne, pour saisir que la nouvelle a le même talent. Les quinze récits de ce recueil édité par la Chambre d’échos montrent qu’il n’y a pas besoin de beaucoup de pages, ni de temps, pour planter l’essentiel d’un polar de vengeance (Bande d’arrêt d’urgence), d’un récit dystopique (Pluviôse 2812), d’une scène de la vie conjugale pleine d’humour et de désillusion (Le mariage des cousins) ou du récit réaliste et désabusé d’un homme évoquant les points de vue différents de syndicalistes dans les années 70 (Mémoires du charbon et de l’acier). C’est donc un recueil qui ne se refuse rien, aucun genre, aucun thème.
Ce recueil caméléon est aussi accordéon. Montrant l’amplitude temporelle que la nouvelle est capable d’atteindre, les récits vont de l’instant pur à la chronique d’une tranche de vie. Celle de Diego, dans la nouvelle éponyme, poursuivi par les flics, dont le milieu pauvre et déglingué est décrit en toile de fond, le déterminant à la chute finale. Ou celle de l’enfant de Plume d’ange qui regarde impuissante, année après année, sa mère s’enliser dans la dépression. Amplitude illimitée avec l’éternité du conte Fatima qui narre la soif insatiable de l’héroïne.
Mais d’autres choisissent de rapporter un moment plus court, un instant vécu, fort et dense, d’où jaillit la parole d’une intériorité. Comme cette voix qui s’élève, énervée et lucide, lorsque, ayant vu un chien attaché au poteau électrique en train de cuire sous le soleil brûlant, arrête son camion et entreprend de décrire en trente lignes et trois coups d’oeil le trou glauque et la gueule d’abruti du gars propriétaire du dit chien. Ou ce moment connu de tous où l’on cherche comme si notre vie en dépendait à retrouver les mots prononcés lors d’un rêve (Les quatre mots), ou le réveil gueule de bois où l’on essaie de se souvenir ce qu’on a fait depuis le black-out (Putain le casque!). Ou cette soirée plus longue, une soirée moite d’août où une femme promène vaguement sa solitude dans une piscine puis dans la rue en espérant une rencontre.
Un bon nombre de récits abordent le thème de l’amour sensuel. Il n’est pas étonnant que la nouvelle soit si à l’aise dans l’évocation de l’érotisme, par nature bref et dense, rapide et plein. Plénitude vertigineuse pour la narratrice d’Hôtel Bellevue qui dans un instant de clairvoyance amoureuse prédit la suite conjugale et familiale qu’elle vivra avec son amant. Dans Les Lions (hic sunt leones), sous l’influence de leurs étreintes charnelles et du décor post-apocalyptique, les amants s’ensauvagent et semblent s’être métamorphosés en lions : on est à la lisière du fantastique. On y tombe carrément dans L’amour fauve qui relate l’amour entre une femme et un lion.
Fantastique et métamorphose s’entrelacent dans la dernière nouvelle du recueil, drôle et habile, Sortilèges. Le narrateur, sous l’effet des lectures de Joyce et de l’Odyssée, relate à son professeur de thèse le processus de sa transformation d’homme en cochon. On le voit, c’est une belle et riche traversée dans l’univers de la nouvelle contemporaine que nous propose ce recueil.
Géraldine Doutriaux
Le Chien attaché au poteau électrique
Editions Chambre d’échos
16 euros 168 pages
Parution : juin 2020
Nouvelles d’Anne-Elisabeth Desicy Friedland, Corine Sylvia Congiu, Brigitte Niquet, Léo Lamarche, Sophie Germain, Dominique Perrut, Thomas Friedland, Jean-Michel Calvez et Nathalie Barrié.