Confinage !
Bernard Marsigny
Comme tous les vendredis les trois amis, Gaston, Marcel et Fernand, s’étaient retrouvés à 11 h pour l’apéro chez Marinette, le bar-tabac en face de la mairie.
- Vous avez entendu ? avait demandé Marcel. Nous sommes en guerre contre un ennemi invisible, a dit le Président. Et à ce titre ils veulent nous confiner.
- Nous quoi ? avait voulu savoir Gaston.
- Nous confiner.
- Ça veut dire quoi ça ?
- J’ai cherché le mot dans le dictionnaire, ça veut dire être enfermé dans un endroit restreint. Si tu veux, c’est comme être obligé de rester dans une cellule sans avoir le droit d’en sortir. En fait, pour faire simple, c’est comme être prisonnier.
- Eh bien ! avait réagi Fernand. Ça va être gai avec Germaine. Après 52 ans de mariage on a déjà de plus en plus de mal à se supporter quand on est ensemble, alors là, l’avoir toute la journée dans les pattes à tourner en rond, ça va être l’enfer. Autant se flinguer tout de suite.
- Rassure-toi. Il paraît qu’on aura le droit de sortir à condition d’avoir une certaine « autorisation de déplacement dérogatoire ».
- De déplacement comment ? avait demandé Fernand.
- Dérogatoire.
- Ce qui signifie ?
- Ça signifie que c’est interdit sauf lorsque c’est autorisé.
- Ah bon ! Et c’est qui qui donne cette autorisation ?
- Tu vas sur internet, tu cliques et tu imprimes.
- Et quand on n’a pas d’imprimante, on fait comment ?
- On recopie le texte à la main et on n’oublie pas de cocher les petites cases qui disent où c’est que tu vas.
- C’est quoi ces cases ?
- C’est pour indiquer au flic qui va te contrôler que tu vas faire des courses de première nécessité ou que tu vas chez ton toubib ou ton pharmacien. Au bas du papier il faut que tu signes et que tu mettes la date.
- Parce qu’en plus on va être contrôlé ?
- Ouais ! Et il paraît qu’il y aura même des amendes pour ceux qui n’auront pas le papier.
- Ah ben, ça va être joyeux. Ça va rappeler aux vieux le temps où on entendait dans la rue : « Papiiir Bitte ! » demandé sans ménagement par des soldats en uniforme vert !
- Ouais , un sacré retour en arrière pour certains !
- Sur leur imprimé ils ont oublié de mettre une case, avait fait remarquer Marcel.
- Laquelle ?
- Celle qui donne le droit d’aller voir les dames du bois de Boulogne !
- Ça, c’est un oubli effectivement tout à fait regrettable ! Ils auraient tout de même pu faire attention. On se demande où ils ont la tête.
- Moi, en première nécessité et vu qu’on ne sait pas la durée de la guerre qui s’annonce, je vais, par prudence, faire un stock de bouteilles de Pastis, avait dit Gaston. C’est jamais perdu.
- C’est, je crois, avais constaté Fernand, une sage précaution . Je pense que je vais t’imiter.
-Moi, avait ajouté Marcel, je vais ajouter une case où je marquerai que j’ai absolument besoin de m’oxygéner les neurones tous les jours et même plusieurs fois par jour avant de retrouver ma bonne femme et que c’est pour moi une sortie plus que vitale. Il en va de ma survie.
- C’est très juste, avait approuvé Fernand, il faut veiller à notre équilibre psychique. Il va falloir s’adapter à la situation présente. Je sens, mes amis, que pour une fois c’est nous qui irons dorénavant tous les jours faire les courses de première nécessité. C’est pas dans nos habitudes, mais ce serait dommage de ne pas en profiter. On pourra ainsi se retrouver sur le coup de onze heures comme d’hab, ici même.
- J’espère au moins que le bar-tabac restera ouvert.
- Le tabac oui mais pas le bar.
- Oh, c’est pas vrai !!! Mais l’apéro c’est un élément de première nécessité pour soutenir le moral. Ceux du ministère n’ont vraiment rien compris à la vraie vie. Faut vraiment être branque pour prendre des interdictions pareilles !
Ils soupirèrent, consternés de telles mesures. Et pour garder le moral, ils demandèrent à Robert, le tenancier de ce noble établissement, de leur remettre un pot de Beaujolais !
- Oui, ben moi, à bien y réfléchir, avait commencé Gaston, je serais pas contre le confinage, mais dans certaines conditions bien particulières.
- Ah bon, lesquelles ?
- Je me verrais bien confiné dans une grande maison avec un joli parc et surtout confiné avec une jolie petite minette de vingt ans. Je saurais bien lui faire passer le temps à la demoiselle, croyez-moi. J’aurais chaque jour des idées nouvelles pour l’initier aux secrets de l’amour. Ce serait sympa, non ?
- Tu as raison. C’est beau les rêves et je te comprends mon pauvre vieux ! Parce que dans ton deux pièces au troisième étage avec Simone, ça risque de ne pas être tout à fait pareil.
- C’est bien ce que je redoute. Et ils ont dit combien de temps aller durer ce confinage ?
- Ils parlent d’un confinement d’un mois.
- Oh punaise, ils veulent ma mort.
- Ne parle pas de malheur. Si tu meurs, on n’aura même pas le droit d’aller à ton enterrement vu qu’on sera confinés.
- Ah ben ça, ça me ferait vraiment de la peine. Bon, je vais essayer de ne pas mourir tout de suite.
Allez les amis, à la vôtre !!!
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Bernard Marsigny
Comme tous les vendredis les trois amis, Gaston, Marcel et Fernand, s’étaient retrouvés à 11 h pour l’apéro chez Marinette, le bar-tabac en face de la mairie.
- Vous avez entendu ? avait demandé Marcel. Nous sommes en guerre contre un ennemi invisible, a dit le Président. Et à ce titre ils veulent nous confiner.
- Nous quoi ? avait voulu savoir Gaston.
- Nous confiner.
- Ça veut dire quoi ça ?
- J’ai cherché le mot dans le dictionnaire, ça veut dire être enfermé dans un endroit restreint. Si tu veux, c’est comme être obligé de rester dans une cellule sans avoir le droit d’en sortir. En fait, pour faire simple, c’est comme être prisonnier.
- Eh bien ! avait réagi Fernand. Ça va être gai avec Germaine. Après 52 ans de mariage on a déjà de plus en plus de mal à se supporter quand on est ensemble, alors là, l’avoir toute la journée dans les pattes à tourner en rond, ça va être l’enfer. Autant se flinguer tout de suite.
- Rassure-toi. Il paraît qu’on aura le droit de sortir à condition d’avoir une certaine « autorisation de déplacement dérogatoire ».
- De déplacement comment ? avait demandé Fernand.
- Dérogatoire.
- Ce qui signifie ?
- Ça signifie que c’est interdit sauf lorsque c’est autorisé.
- Ah bon ! Et c’est qui qui donne cette autorisation ?
- Tu vas sur internet, tu cliques et tu imprimes.
- Et quand on n’a pas d’imprimante, on fait comment ?
- On recopie le texte à la main et on n’oublie pas de cocher les petites cases qui disent où c’est que tu vas.
- C’est quoi ces cases ?
- C’est pour indiquer au flic qui va te contrôler que tu vas faire des courses de première nécessité ou que tu vas chez ton toubib ou ton pharmacien. Au bas du papier il faut que tu signes et que tu mettes la date.
- Parce qu’en plus on va être contrôlé ?
- Ouais ! Et il paraît qu’il y aura même des amendes pour ceux qui n’auront pas le papier.
- Ah ben, ça va être joyeux. Ça va rappeler aux vieux le temps où on entendait dans la rue : « Papiiir Bitte ! » demandé sans ménagement par des soldats en uniforme vert !
- Ouais , un sacré retour en arrière pour certains !
- Sur leur imprimé ils ont oublié de mettre une case, avait fait remarquer Marcel.
- Laquelle ?
- Celle qui donne le droit d’aller voir les dames du bois de Boulogne !
- Ça, c’est un oubli effectivement tout à fait regrettable ! Ils auraient tout de même pu faire attention. On se demande où ils ont la tête.
- Moi, en première nécessité et vu qu’on ne sait pas la durée de la guerre qui s’annonce, je vais, par prudence, faire un stock de bouteilles de Pastis, avait dit Gaston. C’est jamais perdu.
- C’est, je crois, avais constaté Fernand, une sage précaution . Je pense que je vais t’imiter.
-Moi, avait ajouté Marcel, je vais ajouter une case où je marquerai que j’ai absolument besoin de m’oxygéner les neurones tous les jours et même plusieurs fois par jour avant de retrouver ma bonne femme et que c’est pour moi une sortie plus que vitale. Il en va de ma survie.
- C’est très juste, avait approuvé Fernand, il faut veiller à notre équilibre psychique. Il va falloir s’adapter à la situation présente. Je sens, mes amis, que pour une fois c’est nous qui irons dorénavant tous les jours faire les courses de première nécessité. C’est pas dans nos habitudes, mais ce serait dommage de ne pas en profiter. On pourra ainsi se retrouver sur le coup de onze heures comme d’hab, ici même.
- J’espère au moins que le bar-tabac restera ouvert.
- Le tabac oui mais pas le bar.
- Oh, c’est pas vrai !!! Mais l’apéro c’est un élément de première nécessité pour soutenir le moral. Ceux du ministère n’ont vraiment rien compris à la vraie vie. Faut vraiment être branque pour prendre des interdictions pareilles !
Ils soupirèrent, consternés de telles mesures. Et pour garder le moral, ils demandèrent à Robert, le tenancier de ce noble établissement, de leur remettre un pot de Beaujolais !
- Oui, ben moi, à bien y réfléchir, avait commencé Gaston, je serais pas contre le confinage, mais dans certaines conditions bien particulières.
- Ah bon, lesquelles ?
- Je me verrais bien confiné dans une grande maison avec un joli parc et surtout confiné avec une jolie petite minette de vingt ans. Je saurais bien lui faire passer le temps à la demoiselle, croyez-moi. J’aurais chaque jour des idées nouvelles pour l’initier aux secrets de l’amour. Ce serait sympa, non ?
- Tu as raison. C’est beau les rêves et je te comprends mon pauvre vieux ! Parce que dans ton deux pièces au troisième étage avec Simone, ça risque de ne pas être tout à fait pareil.
- C’est bien ce que je redoute. Et ils ont dit combien de temps aller durer ce confinage ?
- Ils parlent d’un confinement d’un mois.
- Oh punaise, ils veulent ma mort.
- Ne parle pas de malheur. Si tu meurs, on n’aura même pas le droit d’aller à ton enterrement vu qu’on sera confinés.
- Ah ben ça, ça me ferait vraiment de la peine. Bon, je vais essayer de ne pas mourir tout de suite.
Allez les amis, à la vôtre !!!
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