ENTRETIEN AVEC MICKAEL AUFFRAY
autour du recueil « Il pleut des zèbres »
LE RECUEIL
Les nouvelles qui composent Il pleut des zèbres ont-elles été conçues en vue du recueil ou bien s’agit-il simplement des nouvelles écrites au cours d’une même période ?
Ces nouvelles ont été écrites sur une période d'environ un an et demi.
Ces nouvelles sont-elles reliées par un thème commun ou par un même principe de composition ? Lequel ?
Le genre fantastique est décliné de différentes manières à travers les six nouvelles : les personnages qui composent ce recueil sont confrontés à des événements paranormaux et doivent – tout comme le lecteur – en découvrir le sens caché. Quelle signification donner à une averse de zèbres au beau milieu du désert de Nazca ? Pourquoi invite-t-on un homme à visiter un château siégeant au milieu de la mer ? Comment un être en vient à se persuader qu'il a été conçu en laboratoire ?
C'est le doute qui habite chacun de ces personnages ; c'est le doute qui vient remettre en question ce qu'on croyait rationnel et qui vient bousculer ce que l'on pensait acquis. D'ailleurs, en cette période de désinformation massive et de propagande télévisuelle, le doute est un outil indispensable qu'il faut savoir manier pour garder raison. Il permet de remettre en question le narratif officiel, de sortir de la peur pour entrer dans la réflexion.
Quel est à votre avis la nouvelle la plus représentative (ou bien la plus aboutie) du recueil ? Pourriez-vous nous la résumer et nous expliquer pourquoi y êtes-vous attaché ?
La nouvelle « Passeur d'âmes » a beaucoup plu aux lecteurs : j'y explore le thème classique de la maison hantée. Je l'ai adapté sous forme d'un journal où le rédacteur perd peu à peu emprise avec le réel. Il se retrouve, pense-t-il, dans un autre espace-temps, soumis aux forces et à l'esprit de la demeure dans laquelle il réside. Pour ma part, je suis attaché à la nouvelle éponyme car elle met en scène un père et son fils. C'est la première fois qu'un enfant vient prendre place dans mes nouvelles. Ce texte témoigne de l'urgence qu'il y a à remettre en question nos comportements censés faire notre bonheur.
Avant de lire la nouvelle, on me demande souvent pourquoi avoir choisi le zèbre. Si je dois donner quelques éléments, je dirais que le pelage du zèbre symbolise à la fois le code-barre et les barreaux d'une prison. Le zèbre est par ailleurs le seul équidé que l'Homme n'a pas réussi à apprivoiser. En ce sens, il représente la métaphore d'un système marchand qui nous échappe. Les zébrures peuvent également faire écho à la confusion visuelle que l'on a en observant cet animal et, par analogie, à la vision altérée que nous avons parfois de la réalité.
Combien de temps avez-vous mis pour écrire ce recueil ? Son écriture a-t-elle été régulière ou bien concentrée dans le temps ? Quelle est la nouvelle qui vous a posé le plus de problèmes littéraires ? Lesquels ?
En un an et demi de rédaction, la nouvelle « Ancrage » m'a posé le plus de soucis. Il s'agit d'un assemblage de deux nouvelles fantastiques que j'ai choisi de compiler en une. Ce sont souvent des exercices périlleux car, comme avec les métaux, ce type d'alliage peut ne pas résister à l'épreuve. Il convient de trouver le bon dosage et de veiller à la logique pour fusionner deux textes indépendants. « Passeur d'âmes » a suivi le même processus.
L’ART DE LA NOUVELLE
Quelles doivent être pour vous les principales qualités d’une bonne nouvelle ? Quels sont les écueils à éviter ?
Je suis souvent ennuyé par les recueils « happy end », où l'on sait que tout finira bien quoiqu'il arrive. De même, si ça se termine systématiquement par du sang et des larmes, ça peut tourner au caricatural. On définit souvent une bonne nouvelle par le fait de surprendre sans laisser voir venir. J'adhère mais j'ajoute qu'une nouvelle réussie est celle qui, une fois terminée, permet une remise en question à travers une fin ouverte plus inattendue. J'aime quand un texte me fait dire « Tiens, je n'avais pas vu les choses comme ça ». Et cela vaut pour toute lecture.
Quels nouvellistes lisez-vous ? (au moins deux) Que vous ont-ils apporté dans votre travail ?
J'ai le sentiment peut-être trompeur qu'il n'y a rien au-dessus du Maupassant nouvelliste. Ces textes traversent les époques avec une aisance incroyable. Cela dit, mon écriture est traversée par bien d'autres auteurs : Allais et Bukowski m'ont permis de me lâcher sur la forme ; Gogol et Cortazar m'ont invité à me libérer sur le fond. Zweig et Carver m'ont convoqué au sérieux. Je ne cite ici que des nouvellistes, mais la lecture de certains romans ou essais a également eu un rôle majeur. Pour ce recueil en particulier, j'ai surtout été inspiré par Poe, Gautier et Lovecraft.
Pouvez-vous nous conseiller la lecture d’une nouvelle (si possible par trop connue), nous raconter le début et nous expliquer pourquoi vous l’aimez ?
« La parure » de Maupassant est indémodable, mais on dirait bien qu'elle est connue...
Il me revient en tête « Le zoo libéré » de Bukowski dans « Les contes de la folie ordinaire » : il s'agit d'une femme qui, sentant venir l'Apocalypse, s'entoure d'animaux chez elle et prépare l’avènement d'un monde nouveau.
Tout au long de cette nouvelle, le lecteur navigue entre l'humour et l'érotisme, entre l'amour et le tragique. Au croisement du frivole et du sérieux, le texte résume l'absurdité de l'existence humaine et fait remarquer au passage que la folie est à géométrie variable, qu'il n'y a pas de camp du bien et de camp du mal, juste des êtres mus par leurs intérêts et leurs angoisses. Le message peut sembler pessimiste mais sous la plume de Bukowski, il insuffle au lecteur une profonde pulsion de vie.
L’EDITEUR
Pouvez-vous nous présenter le travail de votre éditeur, Hugo Stern, dans le domaine de la nouvelle et nous parler de sa ligne éditoriale ?
Hugo Stern est un éditeur lyonnais. Publiant en premier lieu des ouvrages dans les domaines de la médecine et des sciences, cet éditeur s'est récemment ouvert au genre littéraire et est désormais distribué sur toutes les plate formes. La philosophie de la maison d'édition se résume ainsi : « Le partage des idées et des connaissances témoigne d'une société civilisée riche en valeurs. »
J'en profite d'ailleurs pour remercier Franck (le boss de la maison) et toute l'équipe qui s'est occupée de la publication de l'ouvrage.
autour du recueil « Il pleut des zèbres »
LE RECUEIL
Les nouvelles qui composent Il pleut des zèbres ont-elles été conçues en vue du recueil ou bien s’agit-il simplement des nouvelles écrites au cours d’une même période ?
Ces nouvelles ont été écrites sur une période d'environ un an et demi.
Ces nouvelles sont-elles reliées par un thème commun ou par un même principe de composition ? Lequel ?
Le genre fantastique est décliné de différentes manières à travers les six nouvelles : les personnages qui composent ce recueil sont confrontés à des événements paranormaux et doivent – tout comme le lecteur – en découvrir le sens caché. Quelle signification donner à une averse de zèbres au beau milieu du désert de Nazca ? Pourquoi invite-t-on un homme à visiter un château siégeant au milieu de la mer ? Comment un être en vient à se persuader qu'il a été conçu en laboratoire ?
C'est le doute qui habite chacun de ces personnages ; c'est le doute qui vient remettre en question ce qu'on croyait rationnel et qui vient bousculer ce que l'on pensait acquis. D'ailleurs, en cette période de désinformation massive et de propagande télévisuelle, le doute est un outil indispensable qu'il faut savoir manier pour garder raison. Il permet de remettre en question le narratif officiel, de sortir de la peur pour entrer dans la réflexion.
Quel est à votre avis la nouvelle la plus représentative (ou bien la plus aboutie) du recueil ? Pourriez-vous nous la résumer et nous expliquer pourquoi y êtes-vous attaché ?
La nouvelle « Passeur d'âmes » a beaucoup plu aux lecteurs : j'y explore le thème classique de la maison hantée. Je l'ai adapté sous forme d'un journal où le rédacteur perd peu à peu emprise avec le réel. Il se retrouve, pense-t-il, dans un autre espace-temps, soumis aux forces et à l'esprit de la demeure dans laquelle il réside. Pour ma part, je suis attaché à la nouvelle éponyme car elle met en scène un père et son fils. C'est la première fois qu'un enfant vient prendre place dans mes nouvelles. Ce texte témoigne de l'urgence qu'il y a à remettre en question nos comportements censés faire notre bonheur.
Avant de lire la nouvelle, on me demande souvent pourquoi avoir choisi le zèbre. Si je dois donner quelques éléments, je dirais que le pelage du zèbre symbolise à la fois le code-barre et les barreaux d'une prison. Le zèbre est par ailleurs le seul équidé que l'Homme n'a pas réussi à apprivoiser. En ce sens, il représente la métaphore d'un système marchand qui nous échappe. Les zébrures peuvent également faire écho à la confusion visuelle que l'on a en observant cet animal et, par analogie, à la vision altérée que nous avons parfois de la réalité.
Combien de temps avez-vous mis pour écrire ce recueil ? Son écriture a-t-elle été régulière ou bien concentrée dans le temps ? Quelle est la nouvelle qui vous a posé le plus de problèmes littéraires ? Lesquels ?
En un an et demi de rédaction, la nouvelle « Ancrage » m'a posé le plus de soucis. Il s'agit d'un assemblage de deux nouvelles fantastiques que j'ai choisi de compiler en une. Ce sont souvent des exercices périlleux car, comme avec les métaux, ce type d'alliage peut ne pas résister à l'épreuve. Il convient de trouver le bon dosage et de veiller à la logique pour fusionner deux textes indépendants. « Passeur d'âmes » a suivi le même processus.
L’ART DE LA NOUVELLE
Quelles doivent être pour vous les principales qualités d’une bonne nouvelle ? Quels sont les écueils à éviter ?
Je suis souvent ennuyé par les recueils « happy end », où l'on sait que tout finira bien quoiqu'il arrive. De même, si ça se termine systématiquement par du sang et des larmes, ça peut tourner au caricatural. On définit souvent une bonne nouvelle par le fait de surprendre sans laisser voir venir. J'adhère mais j'ajoute qu'une nouvelle réussie est celle qui, une fois terminée, permet une remise en question à travers une fin ouverte plus inattendue. J'aime quand un texte me fait dire « Tiens, je n'avais pas vu les choses comme ça ». Et cela vaut pour toute lecture.
Quels nouvellistes lisez-vous ? (au moins deux) Que vous ont-ils apporté dans votre travail ?
J'ai le sentiment peut-être trompeur qu'il n'y a rien au-dessus du Maupassant nouvelliste. Ces textes traversent les époques avec une aisance incroyable. Cela dit, mon écriture est traversée par bien d'autres auteurs : Allais et Bukowski m'ont permis de me lâcher sur la forme ; Gogol et Cortazar m'ont invité à me libérer sur le fond. Zweig et Carver m'ont convoqué au sérieux. Je ne cite ici que des nouvellistes, mais la lecture de certains romans ou essais a également eu un rôle majeur. Pour ce recueil en particulier, j'ai surtout été inspiré par Poe, Gautier et Lovecraft.
Pouvez-vous nous conseiller la lecture d’une nouvelle (si possible par trop connue), nous raconter le début et nous expliquer pourquoi vous l’aimez ?
« La parure » de Maupassant est indémodable, mais on dirait bien qu'elle est connue...
Il me revient en tête « Le zoo libéré » de Bukowski dans « Les contes de la folie ordinaire » : il s'agit d'une femme qui, sentant venir l'Apocalypse, s'entoure d'animaux chez elle et prépare l’avènement d'un monde nouveau.
Tout au long de cette nouvelle, le lecteur navigue entre l'humour et l'érotisme, entre l'amour et le tragique. Au croisement du frivole et du sérieux, le texte résume l'absurdité de l'existence humaine et fait remarquer au passage que la folie est à géométrie variable, qu'il n'y a pas de camp du bien et de camp du mal, juste des êtres mus par leurs intérêts et leurs angoisses. Le message peut sembler pessimiste mais sous la plume de Bukowski, il insuffle au lecteur une profonde pulsion de vie.
L’EDITEUR
Pouvez-vous nous présenter le travail de votre éditeur, Hugo Stern, dans le domaine de la nouvelle et nous parler de sa ligne éditoriale ?
Hugo Stern est un éditeur lyonnais. Publiant en premier lieu des ouvrages dans les domaines de la médecine et des sciences, cet éditeur s'est récemment ouvert au genre littéraire et est désormais distribué sur toutes les plate formes. La philosophie de la maison d'édition se résume ainsi : « Le partage des idées et des connaissances témoigne d'une société civilisée riche en valeurs. »
J'en profite d'ailleurs pour remercier Franck (le boss de la maison) et toute l'équipe qui s'est occupée de la publication de l'ouvrage.