Thierry Covolo
Les Bottes de Bob
J’étais à une bonne centaine de kilomètres de chez moi quand mon Impala m’a lâché, entre deux de ces bleds paumés qui jalonnaient mes tournées. La voiture a hoqueté, comme quand un truc vous reste en travers de la gorge, et puis elle s’est arrêtée. Impossible de la faire repartir. J’ai soulevé le capot et ça m’a confirmé ce que je savais déjà : j’ai jamais rien compris à la mécanique.
Trois voitures sont passées sans ralentir avant qu’une Camaro bleu s’arrête. C'est une blondinette toute menue qui conduisait, la vingtaine, avec une petite robe rose à bretelles. Elle m'a souri et a dit : « Vous, vous avez l’air d’avoir besoin d'un peu de charité chrétienne ! » J’ai confirmé. « Je m’appelle Emerich Hauser, j’ai ajouté. Je fais le tour des producteurs de fruits du coin pour Cliffstar. On est en train de se lancer dans les jus de fruits. » Elle a dû trouver que j’avais pas la tête de l’emploi vu qu’elle a eu envie de rire. « Moi, c’est Anna-Lisa, elle m'a répondu. Je travaille dans un restaurant un peu plus loin. Je vous dépose quelque part ? » Je lui ai dit que c’était pas de refus et je lui demandé si elle connaissait un garagiste honnête dans le coin. Elle a répondu que le seul à trente kilomètres à la ronde avait fermé quelques jours pour enterrer son fils. Une gare ou un arrêt de bus aurait pu faire mon affaire, mais dans ce genre de campagne, à cette heure-là, plus rien ne roulait. On a convenu qu’elle me laisserait à un motel.
On a fait une dizaine de kilomètres. Anna-Lisa chantonnait un tube de Jefferson Airplane qui passait à la radio. Ça disait que tout le monde a besoin de quelqu’un à aimer.
Le motel alignait ses chambres sur deux étages. Il y avait un snack collé au bâtiment. J’ai proposé un verre à Anna-Lisa pour la remercier. C’était par politesse, vu que je pensais pas qu’elle accepterait, mais elle a coupé le moteur et est descendue de sa Camaro. C'est là que j'ai vu les bottes trop grandes qu'elle portait. Des bottes vertes en caoutchouc qui lui montaient jusqu'aux genoux et qui faisaient de ses jambes deux brindilles plantées dedans. J’ai dit : « Elles sont sacrément grandes vos bottes ! » Elle m'a répondu : « C'est les bottes de Bob, c'est pour ça. », comme si c’était naturel. Puis elle a ajouté « C’est parce qu’il va pleuvoir. » J’ai levé la tête. C’était vrai que le ciel était salement chargé.
La femme qui tenait l’établissement nous a à peine répondu quand on l’a saluée. On s’est assis à une table. Anna-Lisa a commandé une bière. Moi, j'ai pris un café et demandé une chambre. La femme a dit : « Vous voulez un grand lit, je suppose ? », avec un regard noir posé sur Anna-Lisa. J'ai répondu qu’avec mon gabarit, il me fallait bien un king-size si je voulais dormir à l'aise. Elle a apporté les boissons et la clé de ma chambre. Anna-Lisa a regardé le numéro. Elle a dit : « 47, c'est mon année de naissance ! » J’ai calculé que ça lui faisait vingt-trois ans. On a eu une de ces discussions qui vont nulle part et qui habituellement m’ennuient, sauf que c'était vraiment une chouette petite et que j'aurais pu continuer toute la nuit. Pour rire, j'ai demandé : « Vous reviendriez pas demain pour m'emmener chez un garagiste qui n'aurait pas perdu son fils ? ». Elle m'a répondu, en riant : « Faudrait voir à pas abuser de ma charité chrétienne, monsieur Hauser ! ». Puis elle a dit qu’elle allait être en retard pour son service. Elle s'est levée, m’a remercié pour la bière et s’est dirigée vers la porte. J'ai bu un deuxième café en lisant le journal du coin, puis j’ai commandé un demi-poulet rôti avec une salade et une tarte aux pommes.
J’ai rejoint ma chambre sous la pluie. L’orage qui menaçait avait fini par éclater. J'ai regardé du hockey à la télé avant de m’endormir en pensant à Anna-Lisa. C’était plus agréable que de chercher comment j'allais me débrouiller avec mon Impala en panne.
C’est les coups contre la porte qui m’ont réveillé. J’ai attrapé ma montre. Elle affichait une heure du matin. Putain, j'ai dit, et je me suis levé, bien décidé à engueuler l’importun qui bousillait ma nuit. Mais c'était Anna-Lisa. Elle avait passé une veste en jean sur sa robe rose et elle avait toujours les bottes de Bob aux pieds. Elle avait une sale tête. « Qu'est-ce que vous foutez là au milieu de la nuit ? », j’ai dit. C'était pas très chaleureux comme accueil, je le reconnais. Elle m'a répondu : « Vous comptez me laisser dehors longtemps ? » Je me suis écarté, elle est entrée et j'ai refermé la porte. Elle me tournait le dos. Elle tremblait. Fallait que je fasse un truc, mais quoi ? J’aurais bien posé mes mains sur ses épaules mais à la place j'ai demandé s’il pleuvait toujours. Elle s’est retournée. « On s'est engueulé avec Bob. Et ça a mal tourné. Je savais pas où aller. Je sais pas pourquoi, mais j'ai repensé à la chambre 47. Alors me voilà. » J'ai vu qu'elle avait la lèvre fendue et un œil qui allait bientôt prendre de jolies couleurs. Ça m’a fait un creux dans le ventre. Elle a ajouté : « Je suis fatiguée, monsieur Hauser. Je voudrais me coucher. On parlera demain si vous voulez bien. » Elle a posé son sac sur la table, a retiré sa veste et ses bottes, puis sa robe rose. Elle s'est couchée en sous-vêtements dans mon lit et s'est endormie aussitôt. Moi, je suis resté un moment à pas savoir quoi faire, à la regarder et à tourner la tête ailleurs. J'ai fini par me coucher. Elle semblait encore plus petite, allongée à côté de moi. J'osais à peine respirer. Je sentais son parfum mêlé à sa sueur. Je faisais attention à ne pas la toucher. Je me suis dit que j’allais jamais réussir à me rendormir. C'est là qu'elle est venue se coller contre moi. Elle a passé un bras par-dessus moi et elle a posé sa tête sur mon épaule. J'ai glissé mon bras derrière elle et elle s'est calée plus confortablement. J’ai pensé aux blessures sur son visage et j’ai haï ce Bob. Quel genre d’homme pouvait faire ça ? Avec moi Anna-Lisa était en sécurité. Elle le savait.
Je me suis réveillé comme je m'étais endormi, mais seul dans le lit. L’eau coulait dans la salle de bain. Quand Anna-Lisa en est sortie, elle avait déjà enfilé sa petite robe rose. Elle m'a dit, en s’essuyant les cheveux : « On part dans quinze minutes, monsieur Hauser. » Je lui ai demandé de quoi elle parlait. Elle m'a répondu qu'elle m'emmenait chez le garagiste, pour ma voiture. A moins que le Saint-Esprit s’en soit occupé pendant la nuit, elle a ajouté. J’ai reconnu que c’était peu probable. J’ai regardé ma montre. Il était à peine huit heures. Je lui ai dit que c’était peut-être un peu tôt. Elle s'est assise pour enfiler les bottes de Bob et a dit qu'il y avait de la route, et puis qu'elle ça l'arrangeait de partir maintenant. C’était à prendre ou à laisser.
Je suis allé régler ma chambre. Sur la note, il y avait un supplément au stylo rouge. « C'est pour la fille, a dit la femme à l’accueil. Le prix affiché c'est pour une personne seule. Si vous croyez être le premier à nous faire le coup... » Je lui ai rien répondu.
Anna-Lisa m’attendait sur le parking. Elle a démarré dès que je suis monté. Le ciel se chargeait de nuages par l'est. Un nouvel orage se préparait. L’œil d’Anna-Lisa commençait à virer au bleu et sa lèvre était enflée. Je lui ai demandé si elle avait mal. Elle a haussé les épaules et a allumé l'autoradio. La station FM faisait une série anglaise avec les Stones, Led Zeppelin, et puis aussi Cream. On est passé devant le garage du gars qui avait perdu son fils. J'ai dit que c’était un sale coup pour un père. « Junior a eu ce qu'il méritait, a répondu Anna-Lisa. Il traitait les femmes d’une manière qui se fait pas. Et son père a toujours préféré fermer les yeux. » Il lui est arrivé quoi, j'ai demandé. « Une mauvaise chute dans la fosse du garage de son père. Un accident, quoi qu’en disent certains. »
On est sorti de la petite ville et on a tiré droit entre les champs. Anna-Lisa a freiné brusquement. Il y avait une file de voitures arrêtées au loin. Ça ressemblait à un barrage de police. Anna-Lisa a pris un chemin de traverse. Elle a dit : « Les flics d'ici, c’est des pèquenots. Ils ont pas grand-chose à faire alors des fois ça leur prend de bloquer une route et de fouiller toutes les voitures. Jusqu'au fond des cendriers. Ni vous ni moi on a la journée à perdre avec leurs conneries. »
Le chemin était semé de trous et de bosses qui mettaient les amortisseurs à rude épreuve. Il y avait des trous d'eau partout. Je nous imaginais finir au milieu des marécages, sous le regard intéressé des alligators, quand j’ai entendu un bruit à l'arrière. Le sac d'Anna-Lisa était tombé de la banquette. C’est là que j’ai vu le revolver, à l'intérieur du sac. Un Smith & Wesson M&P. Je connais bien ce modèle. J’avais le même en Corée. Un modèle fabriqué pour l'armée et la police, pas vraiment un jouet pour dames. Quand je me suis retourné, Anna-Lisa a pas bronché. Elle regardait droit devant elle. Et puis la voiture s'est embourbée. Anna-Lisa a fait rugir le moteur mais la Camaro a seulement creusé un peu plus son ornière. Elle a soupiré et s'est tournée vers moi. Elle a arqué un sourcil. Je suis sorti voir ce que je pouvais faire.
Le ciel était noir et l'air sentait la terre mouillée. Il y a eu un grondement sourd et des torrents sont tombés du ciel. D’un coup. Je me suis précipité dans la voiture. « Je crois qu’on est parti pour rejouer le déluge ! », j’ai dit. Anna-Lisa m'a fixé un instant, sérieuse, avant de sourire. « Ça se voit que vous avez pas l’habitude des orages d’ici. » Puis elle a ajouté « Vous pouvez attraper le paquet de cigarettes, dans mon sac, s'il vous plaît ? » Je me suis penché derrière son siège, et j'ai vu que le revolver avait disparu. Je me suis dit merde, ça c'est pas normal. Déjà le revolver c’était pas normal mais l’absence de revolver c’est encore moins normal. « Y a un problème, monsieur Hauser ? » Anna-Lisa avait le ton de la fille qui sait qu’elle a un coup d’avance sur vous. J'ai répondu que tout était ok et j'ai attrapé le paquet de Pall Mall rouge. Elle m'a remercié, m’a proposé une cigarette que j’ai refusée et a enfoncé l'allume-cigare. Elle a regardé sa montre. Elle a dit qu'on en avait pour un moment vu comme ça tombait. Sa montre était trop grande pour elle. C'était une montre d'homme. Je lui ai demandé, histoire de parler, si c'était celle de Bob. « Non, elle m'a répondu, c'est celle de mon ex. » L'allume-cigare a fait un déclic et j’ai sursauté. Anna-Lisa a allumé sa cigarette. « Mon ex, vous savez, le fils du garagiste. Un sale type, mais ça je vous l'ai déjà dit. Il était possessif, vous imaginez pas à quel point. Je pouvais parler à personne. Même sortir avec mes copines ça faisait à chaque fois une scène pas croyable. Des injures, mais pas seulement. Je crois que c’était surtout un prétexte pour me dérouiller. J’ai fini par plus supporter. C’est sûrement pour ça que j'ai eu une histoire avec Bob. Pour que Junior et moi ça s'arrête. Vu qu’avec lui, demander gentiment ça suffisait pas. Bref, quand il a su, ça s’est pas bien passé. Ce soir-là, c'est lui qui fermait le garage où il travaillait avec son père. On s’est engueulés, on s’est balancé des trucs qu’on pensait depuis longtemps, et puis quand j’ai voulu partir il m'a… Enfin bref, c'est pas des choses qu'une fille comme il faut raconte à un homme qu'elle connaît à peine. Sans vouloir vous offenser, monsieur Hauser. » Anna-Lisa a regardé la pluie tambouriner sur le pare-brise, lèvres pincées, tout en faisant jouer son ongle sur le filtre de sa cigarette. « Junior a donc fait cette mauvaise chute dans la fosse du garage. Fin de l'histoire ? Eh ben non. Parce que Bob… Je vous ai dit que Bob était shérif adjoint ? Non, ça je vous l’ai pas dit. Donc Bob, il y croit pas à l'accident. Tout le monde y croyait, mais Bob, dont le seul souci aurait dû être de prendre soin de moi, il a fallu qu’il enquête. Merde, un accident, ça arrangeait tout le monde ! Vous savez, les petites villes, ça aime pas les histoires. Les petites villes, si on n’est pas tous soudés, c’est pire qu’un nid de frelons. Alors, si un type meurt ailleurs que dans son lit, le mieux c’est que ce soit un accident. Bref, Bob enquête, pose des questions, commence à me regarder d’une façon que j’aime pas trop, et puis hier, après mon service, il me dit : "Anna-Lisa, faut qu'on parle." Et là je me dis merde, Bob, t’es en train de me faire quoi ? » A nouveau Anna-Lisa s’est interrompue, a regardé la pluie, a joué avec sa cigarette. Moi, j’étais une souris d’un quintal fascinée par la danse d’un serpent minuscule qui va finir par la bouffer, même si ça paraît pas possible. Parce que l'histoire d'Anna-Lisa, c’était pas le genre qu'on prend le risque de raconter à un type qu'on est en train d'emmener chez un garagiste. Surtout avec ce flingue qui se baladait je savais pas où dans la voiture. « Dans la version de Bob, a continué Anna-Lisa, l’accident n’était plus vraiment un accident. J’avais mon lot de circonstances atténuantes, c’est sûr, mais j’allais pas couper à un long séjour dans un endroit ombragé. Ça m'a tuée, monsieur Hauser. C’est pas comme ça que je les voyais, mes prochaines années. Moi, je suis une fille simple, avec des projets de fille simple. Un gentil mari et des enfants, un chien aussi, dans une chouette maison avec un bout de jardin. Vous voyez le genre ? Bob m'a expliqué que c’était son devoir d’en parler au shérif, mais qu'il lui semblait correct de m'en informer avant, compte tenu de nos relations. "Correct", il a dit ! Il s’imaginait quoi, Bob ? Que j’allais lui dire t’as raison mon chou, cent pour cent, t’es un mec bien, le devoir avant tout, prends-moi une dernière fois et emmène-moi au shérif ? » Anna-Lisa a porté son regard vers la vitre de mon côté et elle a dit que le ciel se dégageait. C'était vrai. Le rideau de pluie devenait moins dense et on voyait percer le soleil derrière. Quand je me suis retourné vers elle, le Smith & Wesson était entre ses mains et elle le fixait d'un air absent. « Bob rangeait son arme dans le tiroir de son bureau quand il rentrait chez lui, après son service. Moi, j'étais assise à côté de ce tiroir quand on a eu cette discussion. J’ai dit à Bob : "Je crois pas que cette histoire va se finir comme tu penses." et j’ai pris le revolver. Bob est resté bouche bée. Les petites blondes devaient pas faire ce genre de truc dans son monde. Il a voulu me désarmer. J’ai pris un coup au visage mais ça changeait quoi ? Il était du mauvais côté du canon, et moi j’avais le doigt au bon endroit. » Anna-Lisa s’est tournée vers moi. « J’avais pas le choix, monsieur Hauser. Vous comprenez ? Je pouvais pas le laisser foutre ma vie en l’air. Une femme, ça doit savoir où sont ses priorités et prendre ses responsabilités. Ma mère répète ça tout le temps. »
La pluie s’est arrêtée aussi brusquement qu'elle avait commencé. Nos regards se sont accrochés un long moment. Tant qu'elle me regardait comme ça, il ne pouvait rien m’arriver. C’est ce que je me répétais. Mais elle a fini par décrocher. Elle a demandé : « Vous avez fait la guerre, monsieur Hauser ? » J’ai répondu que je m’étais battu en Corée. Elle a poursuivi : « Et vous avez déjà tué quelqu’un ? » J’ai hoché la tête. Anna-Lisa a ajouté : « C’est plus facile que ce qu’on raconte, pas vrai ? Et quand vous avez réalisé ça, qu’est-ce qui vous empêche de recommencer. » D'un mouvement de menton elle m'a fait signe de sortir. Le revolver était pointé sur moi. J’en menais pas large. Elle a eu un sourire navré, mais ça suffisait pas à me réconforter. J’ai commencé à bredouiller que j’étais pas un gars à faire des ennuis, mais elle m’a interrompu. « S'il vous plaît, monsieur Hauser, c’est déjà assez compliqué comme ça. »
Le sol était détrempé. J'ai failli glisser en posant le pied par terre. Avec mes chaussures de ville, je me serais étalé au bout de deux mètres si j’avais essayé de fuir. Anna-Lisa m’a rejoint. Elle a dit : « Il va falloir désembourber la Camaro. » J'ai dit ok. C’était toujours quelques minutes de gagné. J'ai trouvé de solides morceaux de bois que j’ai glissés sous les roues avant. Anna-Lisa est remontée dans la voiture et a mis le contact. Les roues ont accroché tandis que je maintenais les morceaux de bois en place. Anna-Lisa a bien dosé les accélérations et la voiture a retrouvé la terre ferme. Anna-Lisa est revenue vers moi. Elle avait l’air d’une gamine avec sa petite robe rose et ses bottes trop grandes. J’avais le souvenir de son souffle sur moi pendant qu’elle dormait. Elle avait toujours l'arme de service de Bob, un truc capable de changer la fin des histoires à volonté, mais tout ce à quoi je pensais, c'était que je voulais que personne lui fasse de mal. Moi y compris. C’est ça qui me foutait vraiment les jetons. J’avais connu des situations délicates en Corée, et j’avais fait ce qu’il fallait pour m’en sortir, mais là, elle pouvait me faire ce qu’elle voulait, j’aurais rien fait contre. C’était qu’une gosse ! Anna-Lisa s'est arrêtée à deux mètres de moi. Je pouvais voir au mouvement de ses yeux que ça se bousculait dans sa tête. Elle devait penser aux priorités et aux responsabilités qui vont avec, comme lui répétait sa mère. Ma gorge était sèche. J’essayais d’attraper son regard mais ses yeux passaient à travers moi. Anna-Lisa a soupiré : « Bon, c’est pas tout ça mais là faut que je parte. Ça a beau être des pèquenots, les flics du coin, à un moment ils vont cesser d’être cons. C’est ici que nos routes se séparent, monsieur Hauser, comme ils disent dans les films. Vous m'en voulez pas si je vous emmène pas jusqu’au garage ? » Son sourire est revenu et tout ce que j'ai pu dire ça a été : « Prenez soin de vous, Anna-Lisa. » Elle a hoché la tête et avec le revolver elle m'a montré les maisons au loin. « Ça vous prendra même pas une heure. » Elle est retournée s’assoir dans la Camaro, puis elle a retiré les bottes de Bob et les a posées sur le sol. « Vous vous en sortirez mieux avec, elle a dit. Et puis de toute façon, elles sont trop grandes pour moi. »