Le virus invisible
Fabrice Marzuolo
Un virus chamboule notre quotidien. Tous confinés ! Heureusement que les responsables remettent un peu d’ordre dans le bazar : désormais les dentistes sont autorisés à travailler à distance, les trayeuses de boucs également et les conducteurs de bus sont admis au télétravail. Le virus ne passera pas. Maginonot
Le virus n’est vu de personne, les gens passent en l’ignorant complètement, comme si il n’existait pas, de la sous-poussière et ça le rend malade ! Malade et mauvais, et fou de rage par dessus ! Il trépigne, il secoue les cellules, il multiplie ses particules, il veut se faire voir, et pas seulement de ces olibrius penchés sur un lorgnon ridicule qui leur colle un œil démesuré en plein sur le front, ils sont affublés de tabliers blancs comme le drap des fantômes ! Non, il ne veut pas être uniquement reconnu par ces revenants de cyclopes, lui n’appartient pas au royaume des morts ! Il en est un pourvoyeur assidu certes, mais là encore, sans réelle distinction, fondu parmi des milliers d’autres semblables qui exercent un boulot identique avec un dévouement comparable. D’accord, il a un nom, covid-19, c’est mieux que rien, mais tout même, ça se rapproche d’un vulgaire numéro —non, je ne suis pas un numéro ! Autrefois, il a bien existé un homme invisible mais des millions de fans allaient le voir au cinéma, sur des écrans géants ! Le covid-19, lui, ne trouve pas de bandes Velpeau assez minuscules pour s’en recouvrir la bobine et pouvoir ainsi prouver au monde entier que sous la bande, y a l’enfer, oui, lui-même, il est là — l’enfer c’est moi ! Il le braille à la cantonade. Maintenant, il veut aussi qu’on l’entende ! Tant qu’à faire…Le bougre n’hésite plus, il ratisse large, il frappe fort, voila qu’il s’attaque aux peoples, qu’il laboure strass et paillettes ! Oui, il vise les célébrités carrément, à ce stade, cela prend une tournure encore plus dramatique, ses victimes ne sont plus de simples personnes alitées mais des personnalités, ça sonne pareil à l’oreille mais on n’est plus du tout dans la même dimension, des gros bonnets, blancs peut-être, mais pas l’inverse, des stars qui ont fait énormément pour le pays, marquer un but par exemple, lors d’un match de foot qui a changé la vie de millions de chômeurs, et croyez-moi sur parole, être chômeur dans un pays qui a décroché une coupe du monde, n’a plus rien à voir avec la situation d’un chômeur dans un pays qui s’est contenté de boire la coupe jusqu’à la lie. Et ce virus n’épargne pas les chanteurs connus qui distribuent des tubes de l’été à ceux coincés dans l’hiver éternel. Et ces politiciens qui créent des taxes pour le plus grand bonheur de ceux qui en sont exemptés, n’échappent pas non plus à la virulence de ce virus qui décidément devient aveugle et sourd, trop peu discriminant pour le coup ! Dans ces conditions, qu’il ne se plaigne pas d’être dédaigné, ignoré, quel facho ! Il s’engage dans une mauvaise voie, et je l’avertis, en espérant qu’un virus averti n’en vaille pas deux, je serre les pouces pour ça : ohé vilain virus, en envahissant les alvéoles pulmonaires des célébrités, tu ne manques pas d’air, je te l’accorde, mais tu ne fais qu’accroître leur notoriété, pas la tienne , c’est toujours des glorieux qu’on parlera , eux qui occuperont la Une des médias, toi, tu ne pèseras pas plus qu’un faire-valoir , qu’une marque de yaourts, tu seras confondu, balayé avec ces produits qui ont si souvent contribué à renforcer la notoriété de ces personnages. Beurk ! Covid-19 qu’une vulgaire pub de lessive ! Pire, regarde Egon Schiele, tu sais ce qu’on dit de lui, hein ? Qu’il est mort de la grippe espagnole ! De la grippe espagnole, sans rire ! Tu saisis, même pas une appellation d’origine contrôlée ; espagnole, c’est vague, loin de la précision du coucou suisse , tellement approximatif, pas aussi parfaitement nommée qu’un Camembert de Normandie ! Une grippe délayée dans un continent, une goutte d’eau noyée dans un océan, rien ! Et l’autre vedette, Vladimir de Kostrowitzky, bien particularisé lui, avec sa bande chirurgicale autour du front, on s’en souvient, qui n’a jamais vu son fameux portait ? Mais ta copine espagnole-là, l’obscure qui a emporté l’artiste, que dalle, anodine au possible, inconnue, perdue dans les trous de mémoire ! Alors, tu commences à comprendre ce que te réserve la postérité ? Les gens ne pourront même pas te voir en peinture, un virus de Chine qui diront, pleins de morgue, un crachat toujours prêt à gicler au bord des lèvres !
Je te concède que tu pars de très loin, plus exactement tu barbottes dans les limbes d’un univers microscopique, aussi te grandir ne doit pas être aisé du tout, escalader les parois gluantes de ce puits insondable réclame de défier les lois naturelles. À t’enfler jusqu’à vouloir égaler la taille du pou, tu risques de crever largement avant d’y parvenir.
Au fait, j’y pense à présent: en dépit du besoin forcené de se montrer, d’exister aux yeux des autres, ce virus semble négliger la gente féminine. Aurait-il souffert dans son plus jeune âge des affres d’une mère toxique ? Hé hé… Ou, blotti au sein d’une poitrine si avenante, si réceptive au moindre chatouillis, d’étranges vapeurs de dentelle rose lui monteraient au génome, lui décollant à revers l’enveloppe, ce qui immanquablement, provoquerait sa délétion ?
Je l’imagine toute apeurée, tremblotante, éperdue, pauvre minuscule bestiole venant d’être crachée sur une bouche vorace, sensuelle, gourmande à souhait que tout être normalement constitué s’empresserait de fouiller, de mordre, de lécher, de gober, qui se lancerait toute hampe dressée au bleu à l’assaut de ces coussinets tendres, humides qui tout palpitants s’entrouvrent déjà, prompts à l’accueil des troupes libératrices, par vagues successives, ce jusqu’au fond de la gorge ou une luette vivement secouée, ivre, en transe, répand les giclées puissantes qui se répercutent en jets brûlants jusqu’à cette croupe magnifique sous la robe blanche hardiment soulevée de Marilyn qui sonne alors le tocsin du virus par cette force de vie qui se dégage de certaines rondeurs ! Bon, je redescends sur terre…
Tant mieux pour le devenir de l’humanité, mais je suis persuadé que le covid-19 a tort d’épargner les femmes. En effet, ne sont-elles pas l’avenir de l’homme comme l’écrit un ex veuf trié sur le volet ? Concentrant en elles un tel potentiel humain, elles deviennent par la même occasion l’avenir du virus qui, en s’attaquant à elles, corromprait fatalement le sort de la planète ! L’immense vide crée autour de lui forcerait par contraste avec sa petitesse, la visibilité à laquelle depuis le début il prétend ! Evidemment, il devra modérer sa jouissance car être visible aux yeux d’un monde éteint voilà une victoire de virus qui n’a rien à envier à celle d’un Pyrrhus ! Il est vrai, qu’en matière de destruction, la plupart du temps, l’homme n’est pas mieux servi que par lui-même surtout qu’il dispose d’un arsenal salement sophistiqué susceptible d’anéantir une vie dans un délai qui court d’une poignée de secondes à plusieurs années alors que le virus doit se satisfaire d’une arme en définitive assez rudimentaire dont l’utilisation restreinte se conforme au tout ou rien, selon que le coup de massue qui s’abat est bien appliqué ou pas, le tout, dans un temps déterminé. Généralement, son pouvoir de nuisance cesse avec l’arrivée du printemps , précisément la période où mes voisins se rendent plus visibles que jamais en outrepassant leur limite naturelle avec tous ces gadgets en vente libre qui les grandissent autant qu’un champignon atomique ( et que ne dépenserions-nous pas pour se distinguer aux yeux de nos semblables ? ) : un barbecue nauséabond qui pue l’animal mal achevé, des discothèques à ciel ouvert qui font, dans un tintamarre d’enfer, vibrer les ovaires qui n’ont pas encore été extraits, se surajoutent les cabines téléphoniques portables à brailler en plein air des absurdités assourdissantes, sans oublier les ballons de basket qui claquent et rebondissent mille fois sur les dalles aussi plates qu’un moral confiné sous une boite crânienne follement désertée ! Décidément, le monde est multi-virus !
Ça me rappelle que moi aussi, le temps que je me suis pris pour un poète, j’ai été une sorte de virus ! Je voulais être reconnu absolument, j’inondais de ma prose la moindre feuille blanche qui passait, pourtant je suis resté désespérément transparent , je tombais chaque fois dans l’oreille d’un sourd ! Ma poésie borgne ne sera jamais la reine de ce royaume des aveugles ! Oui, ça m’a rendu bien méchant, et même frustré, amer, furieux ! Allez, j’avoue tout ! Mais cela n’a pas duré, ils m’ont anéanti rapidement avec un vaccin redoutable : l’éditeur. Sans lui pas de lecteurs, fini la propagation ! Ils en sont sûrs…
--Tu veux que je t’avoue quelque chose ? Ton Sras , ce n’est que l’expression du rebut de soi !
—Ha !ha !ha ! Elle est bien bonne celle-là !
Fabrice Marzuolo
Un virus chamboule notre quotidien. Tous confinés ! Heureusement que les responsables remettent un peu d’ordre dans le bazar : désormais les dentistes sont autorisés à travailler à distance, les trayeuses de boucs également et les conducteurs de bus sont admis au télétravail. Le virus ne passera pas. Maginonot
Le virus n’est vu de personne, les gens passent en l’ignorant complètement, comme si il n’existait pas, de la sous-poussière et ça le rend malade ! Malade et mauvais, et fou de rage par dessus ! Il trépigne, il secoue les cellules, il multiplie ses particules, il veut se faire voir, et pas seulement de ces olibrius penchés sur un lorgnon ridicule qui leur colle un œil démesuré en plein sur le front, ils sont affublés de tabliers blancs comme le drap des fantômes ! Non, il ne veut pas être uniquement reconnu par ces revenants de cyclopes, lui n’appartient pas au royaume des morts ! Il en est un pourvoyeur assidu certes, mais là encore, sans réelle distinction, fondu parmi des milliers d’autres semblables qui exercent un boulot identique avec un dévouement comparable. D’accord, il a un nom, covid-19, c’est mieux que rien, mais tout même, ça se rapproche d’un vulgaire numéro —non, je ne suis pas un numéro ! Autrefois, il a bien existé un homme invisible mais des millions de fans allaient le voir au cinéma, sur des écrans géants ! Le covid-19, lui, ne trouve pas de bandes Velpeau assez minuscules pour s’en recouvrir la bobine et pouvoir ainsi prouver au monde entier que sous la bande, y a l’enfer, oui, lui-même, il est là — l’enfer c’est moi ! Il le braille à la cantonade. Maintenant, il veut aussi qu’on l’entende ! Tant qu’à faire…Le bougre n’hésite plus, il ratisse large, il frappe fort, voila qu’il s’attaque aux peoples, qu’il laboure strass et paillettes ! Oui, il vise les célébrités carrément, à ce stade, cela prend une tournure encore plus dramatique, ses victimes ne sont plus de simples personnes alitées mais des personnalités, ça sonne pareil à l’oreille mais on n’est plus du tout dans la même dimension, des gros bonnets, blancs peut-être, mais pas l’inverse, des stars qui ont fait énormément pour le pays, marquer un but par exemple, lors d’un match de foot qui a changé la vie de millions de chômeurs, et croyez-moi sur parole, être chômeur dans un pays qui a décroché une coupe du monde, n’a plus rien à voir avec la situation d’un chômeur dans un pays qui s’est contenté de boire la coupe jusqu’à la lie. Et ce virus n’épargne pas les chanteurs connus qui distribuent des tubes de l’été à ceux coincés dans l’hiver éternel. Et ces politiciens qui créent des taxes pour le plus grand bonheur de ceux qui en sont exemptés, n’échappent pas non plus à la virulence de ce virus qui décidément devient aveugle et sourd, trop peu discriminant pour le coup ! Dans ces conditions, qu’il ne se plaigne pas d’être dédaigné, ignoré, quel facho ! Il s’engage dans une mauvaise voie, et je l’avertis, en espérant qu’un virus averti n’en vaille pas deux, je serre les pouces pour ça : ohé vilain virus, en envahissant les alvéoles pulmonaires des célébrités, tu ne manques pas d’air, je te l’accorde, mais tu ne fais qu’accroître leur notoriété, pas la tienne , c’est toujours des glorieux qu’on parlera , eux qui occuperont la Une des médias, toi, tu ne pèseras pas plus qu’un faire-valoir , qu’une marque de yaourts, tu seras confondu, balayé avec ces produits qui ont si souvent contribué à renforcer la notoriété de ces personnages. Beurk ! Covid-19 qu’une vulgaire pub de lessive ! Pire, regarde Egon Schiele, tu sais ce qu’on dit de lui, hein ? Qu’il est mort de la grippe espagnole ! De la grippe espagnole, sans rire ! Tu saisis, même pas une appellation d’origine contrôlée ; espagnole, c’est vague, loin de la précision du coucou suisse , tellement approximatif, pas aussi parfaitement nommée qu’un Camembert de Normandie ! Une grippe délayée dans un continent, une goutte d’eau noyée dans un océan, rien ! Et l’autre vedette, Vladimir de Kostrowitzky, bien particularisé lui, avec sa bande chirurgicale autour du front, on s’en souvient, qui n’a jamais vu son fameux portait ? Mais ta copine espagnole-là, l’obscure qui a emporté l’artiste, que dalle, anodine au possible, inconnue, perdue dans les trous de mémoire ! Alors, tu commences à comprendre ce que te réserve la postérité ? Les gens ne pourront même pas te voir en peinture, un virus de Chine qui diront, pleins de morgue, un crachat toujours prêt à gicler au bord des lèvres !
Je te concède que tu pars de très loin, plus exactement tu barbottes dans les limbes d’un univers microscopique, aussi te grandir ne doit pas être aisé du tout, escalader les parois gluantes de ce puits insondable réclame de défier les lois naturelles. À t’enfler jusqu’à vouloir égaler la taille du pou, tu risques de crever largement avant d’y parvenir.
Au fait, j’y pense à présent: en dépit du besoin forcené de se montrer, d’exister aux yeux des autres, ce virus semble négliger la gente féminine. Aurait-il souffert dans son plus jeune âge des affres d’une mère toxique ? Hé hé… Ou, blotti au sein d’une poitrine si avenante, si réceptive au moindre chatouillis, d’étranges vapeurs de dentelle rose lui monteraient au génome, lui décollant à revers l’enveloppe, ce qui immanquablement, provoquerait sa délétion ?
Je l’imagine toute apeurée, tremblotante, éperdue, pauvre minuscule bestiole venant d’être crachée sur une bouche vorace, sensuelle, gourmande à souhait que tout être normalement constitué s’empresserait de fouiller, de mordre, de lécher, de gober, qui se lancerait toute hampe dressée au bleu à l’assaut de ces coussinets tendres, humides qui tout palpitants s’entrouvrent déjà, prompts à l’accueil des troupes libératrices, par vagues successives, ce jusqu’au fond de la gorge ou une luette vivement secouée, ivre, en transe, répand les giclées puissantes qui se répercutent en jets brûlants jusqu’à cette croupe magnifique sous la robe blanche hardiment soulevée de Marilyn qui sonne alors le tocsin du virus par cette force de vie qui se dégage de certaines rondeurs ! Bon, je redescends sur terre…
Tant mieux pour le devenir de l’humanité, mais je suis persuadé que le covid-19 a tort d’épargner les femmes. En effet, ne sont-elles pas l’avenir de l’homme comme l’écrit un ex veuf trié sur le volet ? Concentrant en elles un tel potentiel humain, elles deviennent par la même occasion l’avenir du virus qui, en s’attaquant à elles, corromprait fatalement le sort de la planète ! L’immense vide crée autour de lui forcerait par contraste avec sa petitesse, la visibilité à laquelle depuis le début il prétend ! Evidemment, il devra modérer sa jouissance car être visible aux yeux d’un monde éteint voilà une victoire de virus qui n’a rien à envier à celle d’un Pyrrhus ! Il est vrai, qu’en matière de destruction, la plupart du temps, l’homme n’est pas mieux servi que par lui-même surtout qu’il dispose d’un arsenal salement sophistiqué susceptible d’anéantir une vie dans un délai qui court d’une poignée de secondes à plusieurs années alors que le virus doit se satisfaire d’une arme en définitive assez rudimentaire dont l’utilisation restreinte se conforme au tout ou rien, selon que le coup de massue qui s’abat est bien appliqué ou pas, le tout, dans un temps déterminé. Généralement, son pouvoir de nuisance cesse avec l’arrivée du printemps , précisément la période où mes voisins se rendent plus visibles que jamais en outrepassant leur limite naturelle avec tous ces gadgets en vente libre qui les grandissent autant qu’un champignon atomique ( et que ne dépenserions-nous pas pour se distinguer aux yeux de nos semblables ? ) : un barbecue nauséabond qui pue l’animal mal achevé, des discothèques à ciel ouvert qui font, dans un tintamarre d’enfer, vibrer les ovaires qui n’ont pas encore été extraits, se surajoutent les cabines téléphoniques portables à brailler en plein air des absurdités assourdissantes, sans oublier les ballons de basket qui claquent et rebondissent mille fois sur les dalles aussi plates qu’un moral confiné sous une boite crânienne follement désertée ! Décidément, le monde est multi-virus !
Ça me rappelle que moi aussi, le temps que je me suis pris pour un poète, j’ai été une sorte de virus ! Je voulais être reconnu absolument, j’inondais de ma prose la moindre feuille blanche qui passait, pourtant je suis resté désespérément transparent , je tombais chaque fois dans l’oreille d’un sourd ! Ma poésie borgne ne sera jamais la reine de ce royaume des aveugles ! Oui, ça m’a rendu bien méchant, et même frustré, amer, furieux ! Allez, j’avoue tout ! Mais cela n’a pas duré, ils m’ont anéanti rapidement avec un vaccin redoutable : l’éditeur. Sans lui pas de lecteurs, fini la propagation ! Ils en sont sûrs…
--Tu veux que je t’avoue quelque chose ? Ton Sras , ce n’est que l’expression du rebut de soi !
—Ha !ha !ha ! Elle est bien bonne celle-là !