Pour parler de Thibault, il faut commencer par l’amitié, qui, dans notre cas, est directement liée à l’écriture et à Rue Saint Ambroise. Nous nous sommes en effet rencontrés lors d’une lecture chez Olivier Szulzynger, pour le numéro 5 ou 6 de la revue, je ne sais plus. Il a lu un texte – qui était déjà peut-être une ébauche de Me suis fait tout seul – qui a eu, sans exagérer, un impact énorme sur moi. Je me suis donc assis á côté de lui après les lectures avec mon verre de vin et lui ai dit tout le bien que je pensais de son texte, ainsi que de celui de l’ami qui l’accompagnait, François Léonarte. Heureusement pour moi, il avait de son côté beaucoup apprécié la petite nouvelle que j’avais lue, La Solitude du baiseur de fond, et notre admiration mutuelle s’est transformée en amitié solide et profonde.Pour parler de Thibault, il faut tenter d’expliquer son univers, qui déborde les mots et les retourne contre eux-mêmes. Tous les récits se passent dans la Cité, lieu interzone en marge de la ville, entourée de murailles, où tout le monde tente de survivre, tant bien que mal. Non-lieu absolu et pourtant familier, dont les rues nous inquiètent et nous mènent à l’horreur ou à la rédemption. Entre Beckett et Céline, le style enclanche ses histoires au plus près du grain de la peau. On voit les cicatrices, on sent l’haleine, on touche les sexes. Pour parler de Thibault, il faut donc entrer dans la peau des personnages, comme le faisaient les prêtres aztèques avec la peau écorchée des victimes sacrificielles. On la porte jusqu’à ce qu’elle pourrisse et tombe. On n’a pas le choix, comme pour les personnages – le Gars, la Bonne Femme, l’Ami – qui essaient de choisir une voie qu’ils réduisent à eux-mêmes et à leurs désirs. Pour parler de Thibault, il faut expliquer que les histoires qu’il raconte sont de fausses histoires d’initaition, de fausses histoires de destins, de fausses histoires de cul. Ce sont des fictions élaborées par les personnages eux-mêmes, conscients de l’attente avide de la Société (donc de nous, lecteurs.) Du sang, du sperme, de l’amour – voilà ce que nous voulons et voilà ce que nous recevons, en pleine gueule, bien mérité, comme aurait dit le Gars. Pour parler de Thibault, je veux rappeler ici qu’il est pour moi un des plus grands auteurs français contemporains, ce qui explique pourquoi je le publie régulièrement dans mes éditions du Zaporogue, et que cet avis est partagé par François Bon, qui l’édite, lui aussi, à travers publie.net. Voilà, j’ai parlé de Thibault. Il faut le lire, maintenant _____ Sébastien Doubinsky
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